« L'Australie est aujourd'hui l'option la plus sûre que nous ayons » expliquait Léopold Lucet, en charge de la préparation des opérations de récupération de Gitana Eighty. Cette analyse, largement partagée par Loïck Peyron, se basait alors sur des incertitudes quant aux derniers 1 000 milles de « l'option sud-africaine ». En effet, d'après les prévisions de Sylvain Mondon – le fidèle conseiller météo du Gitana Team – la dernière partie du remorquage aurait dû se faire face au vent dans des conditions qui restaient encore très aléatoires … une trop grande part d'incertitude, que ne pouvait pas se permettre les hommes du Gitana Team. Et dans cette décision, le témoignage de Jérémie Beyou leur a été précieux. Le jeune skipper a connu pareille mésaventure l'année dernière à quelques centaines de milles près lors de la Barcelona World Race et a contacté l'équipe de Loïck Peyron pour partager son expérience. Un geste qui vient démontrer que, comme souvent dans la voile, une chaîne de solidarité et de soutien se met en place.
« Un remorquage en haute mer est toujours une opération délicate, d'autant que aujourd'hui nous ne pouvons pas avoir de garanties sur la météo. Faire route vers Fremantle, sur la côte Sud-Ouest australien, est la meilleure des décisions » nous précisait Loïck en début d'après-midi.
En position d'attente depuis qu'il avait établi son gréement de fortune, dans la nuit de mercredi à jeudi, le skipper de Gitana Eighty n'a pas tardé à changer de cap quand le choix de la destination fut clairement défini : « Bon parfait ! Je viens d'abattre un peu et c'est parti pour l'Australie » lâchait-il à son équipe avec sa pointe d'humour habituelle. Car si la situation n'est pas vraiment à la rigolade à bord de Gitana Eighty, Loïck Peyron acceptait ce coup du sort avec philosophie et calme, et ce malgré l'inconfort ambiant : « Ca secoue énormément sans mât car le centre de gravité est très bas. Du coup il ne m'est pas évident de dormir. Je lis beaucoup, ça aide à passer les heures un petit peu longues, je range, je fais des listes … Il faut s'occuper ! »
A ce jour, le monocoque armé par le Baron Benjamin de Rothschild navigue par 45°44 Sud et 59°48 Est et présente des vitesses plus qu'honorables sous gréement de fortune. Rappelons que Loïck Peyron a fabriqué un petit espar en fixant la bôme sur le pied de mât restant, et qu'il a ajouté à cela un tourmentin (voile de 20 m2) à l'avant et un bout de grand- voile à l'arrière. Dans ces conditions et puisque les vents devraient être portatifs jusqu'à proximité des côtes australiennes, distantes ce vendredi après-midi de 2 600 milles, Loïck Peyron et Gitana Eighty pourraient atteindre la terre ferme d'ici 15 à 20 jours.