Cotonnade
La grande traversée de l'Atlantique est entamée depuis que la flotte a contourné le cap Race à la pointe Sud-est de Terre-Neuve. Les conditions météorologiques favorisent les leaders qui ont fait le break, mais il faut désormais gérer les empannages dans un vent de secteur Ouest.

Un front chaud qui se déplace lentement sur une mer froide crée du brouillard. C'est ce qui se passe depuis que les multicoques ont passé Terre-Neuve car le courant d'eaux froides du Labrador est balayé par une masse d'air chaud. Certes, les icebergs sont désormais dans les tableaux arrières et la visibilité devrait normalement s'améliorer au fil de la progression vers l'est. Cette ambiance cotonneuse, et donc très humide, ne doit pas cacher que les conditions de navigation sont plutôt favorables. Plus de 470 milles parcourus en 24 heures, une brise de secteur sud-ouest 25 nœuds et une température qui croît (mais reste fraîche à l'heure actuelle avec 8° dehors et 6° dans l'eau).

Yann Guichard, navigateur sur Gitana 11 à 10h30 ce jeudi : « Nous sommes sortis du brouillard. On a attaqué toute la nuit avec des pointes à plus de 33 nœuds dans un vent stable de 25 nœuds et une mer un peu dure. Là, on vient d'empanner car nous avons croisé Sodebo qui navigue à un mille de nous tandis que Géant est à l'horizon derrière. Il faut que nous contrôlions nos concurrents en attendant la bascule du vent au Nord-ouest. Normalement, nous avons du vent jusqu'à l'Irlande au moins. Ca devrait donc aller vite jusqu'à Saint Malo. »

Gérer les empannages, là est toute la difficulté de cette traversée de l'Atlantique. Car l'anticyclone le long duquel la flotte des multicoques navigue actuellement n'est pas très marqué (1025 hectoPascals se dégonflant à 1020 hPa vendredi). D'autre part, le vent est plus soutenu au nord du 49°N, avec une tendance à passer du secteur Sud-ouest 15 nœuds comme ce jeudi matin, puis à l'Ouest puis au Nord-ouest dans les heures qui viennent. Il y aura donc du vent jusqu'à l'atterrissage sur les côtes irlandaises, mais sur un trimaran, le vent arrière est prohibé pour faire place à un largue sous gennaker (grande voile d'avant) à environ 140° de l'axe du vent réel. Ce qui signifie que les navigateurs ont le choix entre un bord au 100°, proche de la route directe, et un bord au 20° pour se recaler dans le Nord. Et quand le vent va tourner à l'Ouest, ils pourront faire soit du 130°, soit du 50°…

Il faut donc anticiper sur ces bascules pour faire le moins de route possible avec le plus de vent. C'est ce que réalise Gitana 11 qui a tiré un bord vers le Nord-est la nuit dernière pour se recaler sur le 49°N dans le sillage du trimaran italien TIM-Progetto Italia. C'est ce que fait ce matin Karine Fauconnier (Sergio Tacchini) pour ne pas risquer de se faire rattraper par ses poursuivants du Nord. C'est ce que Sodebo et Foncia devraient aussi faire dans cette journée de jeudi pour rester au contact de la flotte. Bref, au fil des heures, certains perdent du terrain lorsqu'ils cherchent à « monter », d'autres en reprennent lorsqu'ils font la route directe.

Les écarts qui atteignent 120 milles entre le leader et Groupama neuvième, ne sont donc pas significatifs car ils vont en permanence se réduire ou s'accroître au gré des bords tirés vers le Fastnet ou vers le Nord. En revanche, Banque Covefi prend de sérieux risques en partant radicalement à 90° de la route depuis son virage à Terre-Neuve : l'option semble désespérée car en plus le vent est moins soutenu au nord de la route… Gitana X, qui n'a pas le même potentiel de vitesse dans ces conditions de vent médium au portant, s'en sort bien et pourrait dépasser le trimaran suisse dans les heures qui viennent.

Mais ne nous leurrons pas. Les conditions météorologiques sont plus favorables pour les premiers que pour les derniers, au point que Mediatis-Région Aquitaine qui ferme la marche à plus de 440 milles du leader, est au près le long des côtes de Terre-Neuve ! Seule une redistribution des cartes lors du passage du phare du Fastnet peut encore permettre aux retardataires de combler une partie de leur écart qui ne devrait que s'accroître ces deux prochains jours… Gitana X a donc peu de chances de recoller au trio leader mais peut revenir sur le peloton (Banque Covefi, Groupama, Sopra Group) alors que Gitana 11 est parfaitement positionné pour revenir au contact de Sergio Tacchini. Tout va se jouer dans le timing des empannages car deux heures trop tôt ou deux heures trop tard, et c'est une dizaine de milles qui s'envolent !

Un 14 juillet sans feux...

Marc Guillemot, skipper de Gitana X cette nuit. « Sortie de Saint Pierre difficile pour l'équipe du Gitana X. Brouillard et vent soutenu 15 - 20 noeuds Solent et grand voile haute. Un peu trop d'hésitation de ma part avant d'envoyer le gennaker. Bilan des courses : le pointage du matin est sans équivoque, le classement nous met en retrait des bateaux qui étaient proches. Nous avons mis trop de Sud dans notre Est et la suite sera sans doute un peu dure pour nous. Après le passage de Terre Neuve, il nous faut gagner dans le Nord pour contourner un anticyclone qui s'installe au milieu de l'Atlantique. Nous sommes obligés de tirer des bords de portant pour parer le Cap Race. Karinette (skipper de Sergio Tacchini et amie de Marc de longue date) et son équipe se "gavent" et accentuent leur avance sur les poursuivants. L'aisance de leur bateau associée à une superbe stratégie ont fait la différence. Pour nous, la difficulté est d'essayer de faire le moins de route possible en coupant le fromage (anticyclone) sans se faire manger. Pas simple mais c'est le seul moyen de gagner le terrain perdu. Affaire à suivre. Pendant que j'écris ces lignes le baromètre est monté de 0,10 HP et le vent mollit en adonnant. L'empannage est à prévoir dans un avenir proche. »

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