Gitana 11 dauphin à Bahia
Frédéric Le Peutrec et Yann Guichard en ont donc terminé avec cette septième Transat Jacques Vabre, menée à un rythme infernal puisque les trois premiers trimarans sont arrivés dans un mouchoir de poche et battent nettement le temps de référence de l'épreuve avec près de quinze nœuds et demi de moyenne sur les 5 190 milles du parcours !

Gitana 11 prend ainsi une superbe deuxième place qui lui permet aussi de terminer sur la deuxième marche du podium du Championnat des Multicoques.

Rincés, lessivés, épuisés, liquéfiés, fatigués… Les deux hommes du Gitana 11 sont arrivés à Salvador de Bahia ce dimanche juste avant 20 heures et après quatorze jours quatre heures cinquante minutes et quinze secondes de stress, d'efforts, de sommeils furtifs, de repas engloutis trop vite, de bricolages, de manœuvres, d'heures de barre… mais aussi d'interrogations et de doutes. Car jusqu'à ce début de week-end, tout semblait encore possible entre les trois leaders de cette transat : avec moins de cent milles d'écart entre les trois premiers trimarans Orma, la hiérarchie était loin d'être établie et au vu de l'état de Banque Populaire à Bahia, une avarie aurait pu tout bouleverser. Tout comme un mauvais bord dans ces alizés de Sud Est qui tournaient à l'Est en faiblissant de 25 à 18 nœuds et qui mettaient momentanément Géant devant Gitana 11 dimanche matin !
 
De fait, ce final entre l'île d'Ascension et Bahia a été éblouissant d'intensité et de rapidité : des journées à plus de 550 milles soit près de 23 nœuds de moyenne… Et ce retour de Gitana 11 restera aussi dans les annales car, contraint de s'arrêter à Camaret le lendemain du départ du Havre, pour résoudre un problème d'hydraulique de grand voile, Frédéric Le Peutrec et Yann Guichard concédaient dès l'entrée dans le golfe de Gascogne, plus de cent milles de retard ! Un retard qui jouait aussi sur la trajectoire à suivre pour descendre vers le Pot au Noir.

Et c'est là qu'avec la complicité du routeur à terre Jean-Yves Bernot, le duo a initié une attaque qui porta ses fruits. Frédéric et Yann longeaient les côtes africaines tandis que Banque Populaire et Géant contournaient au large, les Canaries puis rasaient les îles du Cap Vert : Gitana 11 revenait au contact. Un contact tel que Frédéric Le Peutrec et Yann Guichard prenaient quelques heures la tête de la course…
 
Mais l'option à terre imposait aussi de traverser le Pot au Noir plus longtemps et à la sortie de l'équateur, Gitana 11 concédait de nouveau une soixantaine de milles sur Banque Populaire et n'avait plus que quelques milles de marge sur Géant… Le contournement de l'île d'Ascension définissait finalement la hiérarchie quasiment jusqu'à l'arrivée avec des écarts sensiblement identiques à Bahia. 

Frédéric Le Peutrec

« On est content, content d'être fatigués ! Mais avant tout nous souhaitons remercier le Baron et  la Baronne Benjamin et Ariane de Rothschild. Grâce à leur confiance nous avons pu terminer l'année en beauté ! Ce résultat est également le fruit d'un vrai travail d'équipe avec tout le Gitana Team. Merci. Et enfin, une pensée pour nos amis de Gitana X qui sont toujours en mer et qui auront plein de choses à nous raconter à leur arrivée.
C'était un sacré match ! Jusqu'au bout, puisque cette dernière nuit encore, avec la position que nous avions après l'île d'Ascension, Géant pouvait nous dépasser avec la série d'empannages qu'il fallait gérer avant Bahia… Surtout qu'en sortie d'un empannage, le gennaker a explosé et il a fallu le changer « à l'arrache », à un moment où on se disait que les quelques milles que nous allions perdre, nous mettaient derrière, sur un bord de contrôle difficile à inverser. Mais en fait, au premier pointage de ce dimanche, on a eu le bonheur de découvrir qu'il avait sept milles de retard ! On avait réussi à se glisser sous Géant et c'était tant mieux…

Cela fait quinze jours que nous sommes partis, l'air de rien ! Il y a eu tellement de séquences dans cette transat que je ne me souviens pas de tout… Globalement, beaucoup d'intensité, des émotions qui sont liées à la course au large en général comme les 48 premières heures de course, avec son lot de casse, notre arrêt express à Camaret, puis des rebondissements encore avec les chavirages de Groupama-2 et de TIM… Des émotions qui font que systématiquement, on est rappelé à la réalité. Faire attention tout en allant vite parce que personne n'a rien lâché, mine de rien ! Il n'a pas fallu mollir et on est plutôt content de notre gestion des moments difficiles, parce qu'il a fallu lever le pied, et ce n'est pas facile quand les autres partent… Beaucoup de dosages finalement, car on est sans arrêt en contradiction sur ces bateaux là : est-ce qu'on va assez vite pour ne pas lâcher la tête de la flotte et d'un autre côté, est-ce qu'on ne va pas trop vite en hypothéquant nos chances ? Beaucoup d'épuisements physiques aussi. Il a fallu résoudre des équations, tout le long, pendant quinze jours, et les valider par rapport à un résultat. Car c'est toujours aussi compliqué de naviguer à 20 ou à 40 nœuds de vent… La tension est permanente ! » 

Yann Guichard

« Au bout de deux jours, nous étions un peu derrière à cause de notre arrêt technique, et il a fallu cravacher dur jusqu'à l'arrivée pour revenir au contact. Le rythme a vraiment été soutenu et il y a eu peu de moments où la vie à bord a été cool… sans stress… Surtout avec les dessalages qui ont jeté un peu le froid : on garde notre rythme mais à chaque fois, ça fait quelque chose d'apprendre qu'un bateau est à l'envers !
Pascal Bidégorry et Lionel Lemonchois ont superbement navigué et à chaque fois que nous avions une opportunité pour revenir, ils arrivaient à la combler. Certes, on a eu un petit manque de chance au Pot au Noir quand la zone de calmes nous est repassée dessus alors que nous avions un décalage dans l'Est très favorable. Mais ils sont intelligemment revenus nous accompagner : chapeau !

On a fait aussi une petite erreur au niveau de l'île d'Ascension en ne plongeant pas tout de suite et jusqu'à Bahia, il a encore fallu mettre du charbon pour contenir Géant qui avait un décalage vers le Nord intéressant par rapport à notre trajectoire. Ca n'a pas été facile, mais ce fut une très belle course, d'une forte intensité jusqu'au bout. Epuisés, mais on a pris vraiment du plaisir. Une énorme fatigue, au point que les deux derniers jours, on n'arrivait plus à dormir tellement on était épuisé. C'est paradoxal, mais la tension de la course et de la vitesse… Nous avons bien mangé et pourtant nous avons maigri, à cause des manœuvres, et je vais mettre du temps à m'en remettre. Le tempo était nettement plus soutenu que lors des deux précédentes éditions auxquelles j'ai participé. Quand il y a vingt nœuds de vent, c'est chaud à bord : on avance à trente nœuds et la moindre erreur de barre quand le copain dort, tu vas au tapis ! Intense. Super. »

Classement des trimarans Orma pour la Transat Jacques Vabre

1-Banque Populaire (Pascal Bidégorry & Lionel Lemonchois) en 14 jours 01 heure 46 minutes 29 secondes soit 15,37 nœuds.
2-Gitana 11 (Frédéric Le Peutrec & Yann Guichard) en 14 jours 04 heures 50 minutes 15 secondes soit 15,23 nœuds, à 3 heures 03 minutes 46 secondes du premier
3-Géant (Michel Desjoyeaux & Hugues Destremau) en 14 jours 05 heures 27 minutes 44 secondes soit 15,20 nœuds, à 3 heures 41 minutes 15 secondes du premier
Gitana X est attendu mercredi à Bahia et devrait prendre la 4ème place de la course

Dans le monde de la voile, le nom Gitana, indissociable de la branche franco-suisse des Rothschild, évoque depuis plus de 100 ans un art de vivre fait de passion, d'esprit d'équipe et de recherche d'excellence. Sous l'impulsion du Baron Benjamin de Rothschild, l'histoire des Gitana s'ouvre vers les multicoques en 2000 avec le Gitana IX engagé sur la Transat Québec /Saint-Malo. Pour la deuxième année consécutive, il arme les trimarans Gitana X et Gitana 11 pour le Championnat ORMA. Le Gitana X, dédié à la formation de jeunes talents, et le Gitana 11 avec l'objectif de briller au plus haut niveau. Tradition, innovation et transmission…

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