Henrique

Après avoir découvert le passage qui porte son nom au sud du continent américain, Magellan meurt bêtement en 1521 sur une plage des îles Moluques, alors qu'il est en train de gagner un pari totalement insensé : faire le tour du monde. Un de ses seconds, Del Cano, prend alors le commandement du dernier bateau valide - le Victoria - et finit la première circumnavigation de l'histoire de l'humanité. Ils sont considérés à ce jour comme étant, lui et son équipage, les premiers hommes à réaliser cet exploit.

Dans la biographie de Magellan écrite par Stephan Zweig, on y apprend qu'en réalité ce n'est pas Del Cano ni ses hommes qui ont été les premiers à faire le tour de la planète. En effet, dix ans avant cette invraisemblable  expédition, Magellan avait participé à la conquête des Indes. Il avait ramené avec lui, au Portugal, un serviteur nommé Henrique qu'il emmènera avec lui pour ce nouveau périple vers l'inconnu. Suite à la disparition tragique de son chef, Henrique se fait déposer aux Indes, d'où il est originaire, par Del Cano qui rentre vers l'Europe avec le Victoria. C'est donc bien Henrique, d'après Zweig, qui fut le premier homme à faire le  tour du monde. 

Alors pourquoi Del Cano a tous les honneurs de la postérité ? D'abord les « puissants » ont toujours tiré la couverture de l'histoire vers eux. Que pouvait revendiquer un « simple » serviteur en 1521 face aux conquérants espagnols ? Ensuite, la notion de « Tour du monde » n'est pas si simple à définir. Certes, il est convenu aujourd'hui que la circumnavigation passe par les caps prestigieux du Horn et de Bonne Espérance, et que le port de départ soit le même que celui d'arrivée. Mais à partir de quel point de départ ? Les parcours comportent « habituellement » une descente et une remontée d'un des océans majeurs, l'Atlantique par exemple, puisque les puissances maritimes « de l'époque » étaient concentrées en Europe et en Amérique du Nord. Reste à définir avec ou sans escale et en combien de temps. Henrique l'aura fait en 15 ans ; Del Cano en trois…

En franchissant mardi le troisième degré de longitude Ouest, nous pourrions considérer que notre Gitana 13 a bouclé un nouveau tour du monde, cette longitude étant celle de la Trinité-sur-Mer qu'il a quitté le 4 décembre 2007. Mais c'est bien l'amarrage au quai « Loïc Caradec » de l'enclave morbihannaise qui mettra un point final à ce tour du monde « à l'envers », assez proche finalement du parcours du Victoria il y a presque 5 siècles. Pour l'instant, Londres et le record de la Route du Thé ne sont plus qu'à 4 000 milles de nos étraves, soit 10 à 12 jours de mer. Suivi du convoyage en Bretagne Sud, le périple aura duré au total 10 mois.

Je me demande souvent si, dans nos pensées profondes, nous n'aurions pas aimé être Del Cano, Magellan ou Henrique. Des découvreurs de continents, d'îles perdues ou de passages secrets.

A bord de Gitana 13, l'esprit d'aventure est toujours là et ne demande qu'à vivre.

Dominic Vittet (dit Mino)

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