Une aventure en deux temps
En 2014, fidèle à sa philosophie, l’équipe fondée en 2000 par le Baron Benjamin de Rothschild ouvrait une brèche en choisissant d’équiper son trimaran de 70 pieds de plans porteurs sur les safrans de flotteurs. L’ambition était alors de participer à la 10e édition de la célèbre Route du Rhum et par conséquent de traverser l’Atlantique en solitaire. Le pari est osé ! En effet, outre le développement technique que requiert un tel projet, sur l’eau l’engagement humain est de taille puisque Sébastien Josse devra se mesurer aux géants de la classe Ultime annoncés ; le plus grand d’entre eux mesurant deux fois le Multi70 …
Mais l’équipe dirigée par Cyril Dardashti aime ce type de défi ambitieux et la très remarquée 3e place de Sébastien à Pointe-à-Pitre lui donnera raison : « Depuis le début notre idée est d’essayer de faire voler un trimaran océanique au large. Le temps de chantier dont nous disposions l’an dernier avant le Rhum n’était pas suffisant pour réaliser l’ensemble des travaux nécessaires. Il a donc été choisi de procéder en deux temps. La performance de Sébastien sur le Rhum nous a permis de conforter nos choix. La phase 2 est en marche et nous attendons avec impatience de pouvoir voir le bateau tirer ses premiers bords dans sa configuration 2015 » confiait le directeur général de l’écurie aux cinq flèches.
Un laboratoire d’essai de 70 pieds
Formes de carène, taille des flotteurs … à première vue, le Multi70 Edmond de Rothschild est le même que celui qui s’était élancé de Saint-Malo en novembre dernier lors de la Route du Rhum ! Fidèle à son projet de départ, l’équipe a en effet choisi de s’adapter à la plateforme d’origine même si cette dernière a connu un renforcement structurel. Mais la version 2015 ne manque pas de nouveautés si l’on regarde de plus près les appendices.
Tout d’abord sur l’arrière des flotteurs, la taille des safrans en T, dont le principe a été testé et validé sur le Rhum, a été revue à la hausse : « Les safrans ont été rallongé tant sur la partie verticale que sur la partie basse. Nous avons fait fabriquer de nouveaux élévateurs de safrans afin d’augmenter la surface des plans porteurs. Celle-ci a été multipliée par deux par rapport à l’année dernière ; essentiellement pour équilibrer la plateforme suite au volume ajouté sur les foils » détaillait Pierre Tissier, le directeur technique de l’écurie aux cinq flèches.
Car ce qui attire l’œil, ce sont bien les nouveaux appendices dont est désormais doté le trimaran au milieu des flotteurs. S’inscrivant pleinement dans sa démarche de recherches et de développement, le Gitana Team a opté pour des foils asymétriques. En effet, tandis que le flotteur tribord est équipé d’un foil en C, le bâbord laisse apparaître un foil en L. Des formes et des choix architecturaux que nous expliquait Antoine Koch, le responsable du bureau d’études du Gitana Team : « Avec Gitana XV nous sommes dans une dynamique de recherches et d’essais et nous exploitons la plateforme comme un laboratoire pour les projets futurs du Gitana Team. Les études théoriques révèlent à ce jour deux types de foils que nous souhaitons tester. Le foil en C est un appendice très efficace hydro-dynamiquement car il génère très peu de traînée. Sa capacité à générer de la portance verticale n’est plus à démontrer mais si nous nous intéressons au vol, il manque de stabilité. A l’inverse, le foil en L génère une traînée importante mais assure une grande stabilité et donc un gain important sur la traînée de plateforme. Le comportement du bateau dans la mer avec ce type d’appendices reste la grande inconnue mais c’est bien cela qu’il est intéressant d’aller confirmer grandeur nature » soulignait Antoine avant de préciser : « Ces deux types de foils se rattachent à deux philosophies de vol. Mais tout dépend de ce que l’on appelle le vol en Course au Large dans une mer formée. Aujourd’hui, sur des régates en baie, les bateaux de la dernière America’s Cup ont démontré qu’un foil en L, malgré la traînée qu’il occasionne, est un compromis plus performant. Mais les AC72 n’avaient pas les paramètres mer et houle à prendre en compte. C’est bien là toute la différence et la difficulté sur laquelle nous travaillons actuellement. »
Tout comme pour les premiers safrans en T, cette deuxième phase de modifications est le fruit d’une étroite collaboration entre Antoine Koch et le bureau d’études du Gitana Team, l’architecte Guillaume Verdier et le néo-zélandais Jamie France, l’américain Bobby Kleinschmit ainsi que la société Pure Design, ces derniers étant membres de Team New Zealand.
Pour le Gitana Team, la sortie de chantier et la mise à l’eau du Multi70 Edmond de Rothschild signent le début d’une phase de tests grandeur nature sur un prototype exigeant. A l’image des orfèvres, les membres de l’équipe technique vont façonner la machine pièce par pièce, sortie après sortie. Et pour y parvenir les allers-retours entre l’équipe navigante et le chantier seront permanents ; un véritable travail de mise au point qui en mer sera naturellement orchestré par Sébastien Josse. Disposer d’une telle plateforme d’essai est une chance tant les renseignements glanés sur ce trimaran de 21 mètres seront précieux pour l’avenir et les futurs projets du team. Selon les conclusions des premières navigations, l’équipe ne s’interdit rien. Notamment d’étudier la participation du Multi70 Edmond de Rothschild à une célèbre transatlantique qui s’élancera du Havre fin octobre et qui a récemment ouvert ses portes aux multicoques de la catégorie Ultime. Mais d’ici là… il faudra faire ses preuves au large.
Le Gitana Team voit double sur le Tour de Belle-Ile
Si dès demain les sorties d’entraînements au large de Lorient vont s’enchaîner pour Sébastien Josse et ses hommes, le trimaran de 70 pieds patientera jusqu’au 9 mai prochain pour réaliser sa rentrée officielle ; ce sera à l’occasion du Tour de Belle-Ile. Cette régate de 42 milles autour de l’île morbihannaise, qui mêle amateurs et professionnels sur une même ligne de départ et qui n’est autre que le plus grand rassemblement de voile en France avec déjà plus de 400 voiliers attendus, est en effet devenue un rendez-vous traditionnel du Gitana Team. Cette année, l’équipe aux cinq flèches a même choisi d’y inscrire deux des unités armées par le Baron Benjamin de Rothschild ; deux plateformes dont le dénominateur commun est le vol ! Car, si les conditions météorologiques le permettent, le GC32 Edmond de Rothschild - dernier arrivé au sein de l’écurie - s’alignera au côté de son « grand frère » de 70 pieds. La barre du catamaran volant serait alors confiée à Gurvan Bontemps, recrue 2015 du Gitana Team au palmarès bien fourni en matière de « petit » bateau avec notamment plusieurs titres de Formule 18 (double champion de France, vice-champion du Monde …), sans oublier que depuis quelques années le marin est le performer attitré du Flying Phantom.