The Transat - La préparation des skippers
Marc Guillemot :Un mois avant de partir, je fais un travail de fond psychologique en essayant d'évacuer le maximum de stress... Fred Le Peutrec: C'est ma seconde course en solitaire, la première expérience a été la Route du Rhum 2002 qui hélas n'a pas duré très longtemps puisque j'ai abandonné pour avarie après 5 jours de course...
Comment abordez-vous cette épreuve en solitaire ?

Marc Guillemot :Un mois avant de partir, je fais un travail de fond psychologique en essayant d'évacuer le maximum de stress. Je travaille avec des gens de confiance et compétents sur la préparation technique du bateau, l'analyse météo et je m'entraîne en solitaire avec mon bateau. Je prends également un peu de temps pour moi de façon à arriver sur la ligne de départ avec un esprit lucide et dégager de toutes inquiétudes parasites.


Fred Le Peutrec: C'est ma seconde course en solitaire, la première expérience a été la Route du Rhum 2002 qui hélas n'a pas duré très longtemps puisque j'ai abandonné pour avarie après 5 jours de course. Depuis, j'ai fait la Jacques Vabre disputée en double sur Bayer en novembre 2003 qui a été un bon entraînement et ma qualification en solitaire sur Gitana 11. Je m'attends à un niveau de difficultés un peu supérieur à ce que j'ai rencontré jusqu'à présent en équipage, mais j'aime être seul sur un bateau, c'est un souhait qui remonte aux O'Star et autres Route du Rhum de 1976, 80 et 82 alors que je commençais à naviguer. J'aime le Solitaire pour la concentration et l'anticipation que cela exige. C'est une sensation rare. J'aborde The Transat avec beaucoup d'humilité vu ma moindre expérience sur ce genre de support en solo, par rapport à d'autres concurrents du plateau Multicoques cette année. Je me fixe l'objectif d'arriver de l'autre côté, de traverser sain et sauf pour le marin et le bateau tout en me plaçant au mieux parmi les autres concurrents. Je garde à l'esprit que Gitana 11 est inscrit, pour 2004, dans un programme annuel de courses qui compte une transat retour en équipage, Québec Saint Malo, en juillet, avec notre armateur le Baron Benjamin de Rothschild comme membre d'équipage.

Comment aller vous gérer la concurrence sur l'eau pendant la course ?

MG: Pendant la course, j'essaie au maximum d'occulter la surveillance de la concurrence même si je suis leurs positions sur mon ordinateur. C'est ce que j'ai fait pendant la Route du Rhum et pendant la dernière Transat Anglaise, deux courses où j'ai bien marché. J'ai fait ce que j'avais envie de faire. A trop regarder ce qui se passe à côté, on perd confiance dans ses choix, je veux éviter cela.

FL: En général, je fais abstraction le plus possible de la pression de la concurrence tout en restant attentif à sa progression et ses options tactiques. Pour cette seconde course en solo, il faudra d'abord que je m'applique à trouver mon rythme physiologique et technique ce qui sera sans doute un peu plus long que certains sur cette course qui ont des milliers de milles en solitaire dans les pattes. Mon rythme une fois trouvé et stabilisé, je passerai à l'observation de la concurrence mais sans en abuser.

Préparation physique spéciale ?

MG: Rien de spécial car je pratique le sport régulièrement avec un peu de course, de la musculation en salle l'hiver et un peu d'oxygénation en montagne. A partir du moment où j'ai une bonne hygiène de vie, je ne me fais pas trop de souci par rapport à cela. Pour le sommeil, c'est toujours difficile quel que soit le bateau, mais à force de naviguer on connaît ses points forts et ses points faibles.

FL: Non, mais je m'entretiens physiquement en courant régulièrement ce qui fait partie de la routine « des sportifs ». Pour moi la forme physique est la clé des résultats en compétition. Quand on est usé physiquement, le mental ne suit plus et les résultats non plus. Je fais beaucoup de courses d'endurance pour gérer la pression au travers d'épreuves physiquement sollicitantes. Sur le sommeil, j'ai la chance de ne pas avoir trop de problème pour le gérer dans un contexte de fatigue, mais il faudra voir dans la durée, car le problème, sur le long terme, est d'organiser les phases de récupération.

Alimentation particulière ?

MG: Pour 10 à 12 jours de course, j'embarque des plats cuisinés fait par deux cuisiniers de « Bonduelle » avec des recettes très variées et bien adaptées tant au niveau des rations et que des calories. J'embarque en plus des produits frais comme des fruits, du fromage…. Et bien sûr du pâté Henaff et des sardines ….Indispensable pour le moral du marin.

FL: Rien de spécial. Une alimentation équilibrée, facile à utiliser. Pas de lyophilisé car cela implique d'embarquer de l'eau supplémentaire ou un dessalinisateur pour reconstituer les plats. Je vais donc prendre des plats cuisinés, des fruits frais, des compléments énergétiques, du fromage, du pain complet. Des choses saines.

Le routage ?

MG: Contrairement à l'édition précédente, le routage est autorisé cette fois-ci dans la classe Multicoques Orma. Je vais travailler essentiellement avec Pierre Lasnier – Météo Mer - pour la réception des fichiers météo à bord. Je serai ensuite en contact téléphonique avec Luc Poupon et Yann Guichard, pour un décryptage en commun des informations. Nous étudierons ensemble différentes options stratégiques mais je resterai maître de la décision finale. Il ne faut pas oublier que c'est sur l'eau que cela se passe et que tout ce qui est transmis comme informations brutes ou par routeur interposé a 5 à 6 heures de retard par rapport à ce qui se passe sur l'eau. Il faut donc reste très lucide.

FL: Nous sommes la seule classe à pouvoir être routée. Je vais travailler avec Sylvain Mondon ( Météo France) qui va me transmettre à bord tous ses fichiers météo et assurer mon routage pendant la course. En amont, j'ai repris avec Jean Yves Bernot l'intégralité des historiques météo disponibles de cette transat et les ai étudiés à fond pour dégager les routes types de ce parcours. Ces historiques ont été transmis à Sylvain qui va les intégrer dans ses analyses de situation.
Le bateau ?

MG: Gitana X n'est pas un bateau simple. Son principal handicap est son poids qui peut en fait s'avérer être un avantage sur un parcours comme celui de The Transat. Un bateau plus léger risque d'être plus volage. Gitana X sera sûrement plus stable dans le gros temps, et devrait tirer son épingle du jeu au prés jusqu'à Terre Neuve. Par contre la dernière partie peut être assez débridée sur les 400 derniers milles. Il faudra alors que je sois bien positionné pour absorber le déficit de vitesse de Gitana X au portant sinon, la sanction peut être sévère jusqu'à Boston… Affaire à suivre.

FL: Au large, Gitana 11 est un bateau facile à équilibrer sous voile. Il est moins sollicitant pour le skipper que ceux que j'ai connu auparavant et surtout moins humide, ce qui, sur un parcours au près comme celui de The Transat, est un point important pour le confort de navigation donc pour le moral. Il a également une vraie capacité à aller vite. Mais sur des courses en solitaire, le potentiel de vitesse maximum des bateaux n'entre pas uniquement en ligne de compte dans la performance finale. C'est au skipper de trouver le juste milieu, le tempo idéal, composé de vitesse, de sécurité et de performance sur le long terme.

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