Gitana 11, sa Route du Rhum jour après jour
Pour sa première transatlantique en solitaire Yann Guichard aura eu jusqu’au bout, bien du mal à s’extirper des calmes et des grains qui l’ont accompagné du cap Finisterre jusqu’à la ligne d’arrivée en Guadeloupe. Gitana 11 termine donc quatrième après 11 jours 11 heures 56 minutes et 38 secondes de mer pour parcourir les 3 539 milles séparant Saint-Malo de Pointe-À-Pitre.

Alors qu’il avait réussi à passer la bouée de Basse-Terre à 18h59’ jeudi, Yann Guichard aura mis près de six heures pour parcourir la vingtaine de milles restant jusqu’à la ligne d’arrivée ! C’est en effet dans un souffle évanescent que Gitana 11 a progressé parfois à moins de deux nœuds pour achever ce tour de la Guadeloupe : le trimaran armé par le Baron Benjamin de Rothschild a terminé la Route du Rhum-La Banque Postale à 00 heure 58 minutes 38 secondes vendredi 12 novembre, soit une moyenne sur l’eau de 15,79 nœuds puisque Yann Guichard a parcouru 4 356 milles…
 
J-1 : samedi 30 octobre
Plus d’un million et demi de spectateurs sont venus arpenter les quais de Saint-Malo pour souhaiter bonne route aux 84 concurrents de cette neuvième édition de la Route du Rhum-La Banque Postale. Gitana 11 est prêt à prendre la mer et Yann Guichard travaille avec son routeur Sylvain Mondon pour affiner la stratégie des premiers jours de course.
« Tous les membres du Gitana Team travaillent sur cette Route du Rhum depuis près de deux ans et je souhaitais vraiment partager avec eux ce moment où le grand public nous rend en quelque sorte hommage. C’est un mélange de stress, car nous avons toujours la crainte d’un accrochage, et d’émotion» indiquait Yann Guichard lors du passage des écluses, le trimaran armé par le Baron Benjamin de Rothschild ouvrant la voie dans le sas aux autres solitaires.
 
J : dimanche 31 octobre
Énorme foule ce dimanche midi tant sur l’eau que sur le cap Fréhel pour un départ dans des conditions météorologiques idéales : vent de Sud-Est d’une douzaine de nœuds, mer plate. Mais l’angoisse pour tous les solitaires reste l’abordage d’un voilier alors que Yann Guichard s’élance dans le sillage de Franck Cammas, le dépasse quelques instants, puis enroule la bouée de Fréhel en seconde position. Gitana 11 part au large pour se libérer de la pression des spectateurs, et engage sa sortie de Manche…
« La première nuit promet d’être studieuse avec un bon nombre de manœuvres à faire, mais il n’y a pas trop d’options à prendre : il faut juste aller vite dès le début parce que les leaders seront plus favorisés par les conditions météorologiques à venir. » indique le skipper juste avant le coup de canon libérateur.
 
J+1 : lundi 1er novembre

Classement le 1er novembre à 12h00

1- Sodebo à 3 119 milles de l’arrivée
2- Oman Air Majan à 30 milles du leader
3- Idec à 55 milles?du leader
4- Groupama 3 à 58 milles?du leader
5- Gitana 11 à 74 milles du leader
Le ton a été donné dans la nuit : après une série de manœuvres le long des côtes bretonnes, Gitana 11 entre dans l’Atlantique avec un flux de Nord-Ouest soutenu. Tellement musclé que Yann Guichard doit lever le pied pour ne pas risquer la casse à cause d’une mer très chaotique. Inexorablement, les trois multicoques « ultimes » plus grands peuvent passer en force à plus de 25 nœuds de moyenne quand le trimaran aux couleurs du Groupe Edmond de Rothschild cherche à tenir le rythme. A l’exception de Sidney Gavignet qui choisit de suivre la route directe, les autres « ultimes » piquent vers le cap Finisterre, Thomas Coville le plus au large, Franck Cammas le plus à terre.

« Je n’ai pas eu l’occasion de me reposer depuis le départ entre les manœuvres le long des côtes Nord de la Bretagne et l’accueil que nous a réservé le golfe de Gascogne. Le plus embêtant dans le golfe, ce n’est pas le vent mais la mer. Cette nuit, les creux atteignaient quatre mètres dans une fréquence très rapprochée. Dans ces conditions, je n’avais pas  d’autre choix que de lever le pied car à chaque vague, Gitana 11 volait et se plantait dans la suivante. C’est un peu frustrant quand on voit les concurrents devant qui se détachent… Mais nous ne sommes même pas à 24 heures de course : il faut préserver le bateau avant tout. »

 
J+2 : mardi 2 novembre

Classement le 2 novembre à 12h00

1- Groupama 3 à 2 803 milles de l’arrivée
2- Sodebo à 23 milles du leader
3- Oman Air Majan à 69 milles?du leader
4- Idec à 123 milles?du leader
5- Gitana 11 à 137 milles du leader
Franck Cammas s’est échappé : il est déjà à la latitude de Gibraltar, toujours poussé par des alizés réguliers quand Yann Guichard et Francis Joyon au coude à coude sont devant Lisbonne dans un vent mou. Dix nœuds de différentiel de vitesse ! Les deux sisterships de Coville et Gavignet restent toujours plus dans le Nord-Ouest alors que dans la classe « Ultime », Bertrand Quentin (Côte d’Or) doit se faire hélitreuiller par les secours espagnols.

« Le premier enjeu était de passer sous le 42° parallèle Nord lundi soir : c’est fait et Yann peut dorénavant glisser en bordure méridionale de l’anticyclone. Mais les vents ne sont pas très forts et plutôt instables entre dix et quinze noeuds… Gitana 11 va continuer au portant pendant plusieurs jours : si cela est possible, nous éviterons de lui faire faire des empannages, mais il faudra probablement se recaler à un moment vers le Sud si la brise tombe trop, pour conserver une bonne pression de vent. » analyse Sylvain Mondon de Météo France.

 
J+3 : mercredi 3 novembre

Classement le 3 novembre à 12h00

1- Groupama 3 à 2 355 milles de l’arrivée
2- Idec à 225 milles du leader
3- Gitana 11 à 236 milles du leader
4- Sodebo à 266 milles?du leader
5- Oman Air Majan à 303 milles?du leader
Quand Franck Cammas est déjà sous les Açores (25°W) et toujours plus rapide d’au moins trois nœuds, ses quatre poursuivants sont pratiquement sur la même ligne, sur le 20°W à plus de 220 milles derrière ! Sodebo et Oman Air ont clairement opté pour la route Nord où ils font face à un flux soutenu de secteur Sud-Ouest quand les « Sudistes » sont poussés par des alizés modérés et toujours plus puissants par devant.

« Je suis au portant avec des conditions correctes mais très irrégulières. Ce n’est pas si évident que ça parce que la brise fluctue beaucoup en force et en direction ! C’est de la glisse, alors c’est plutôt agréable… Je n’ai pas vu Francis Joyon ce matin même si nous nous sommes croisés à moins de quatre milles. Nous nous reverrons peut-être au prochain croisement parce que je reviens doucement sur lui. C’est bien de rester au contact. Quand nous sommes deux sur l’eau, c’est mieux que tout seul dans son coin »

 
J+4 : jeudi 4 novembre

Classement le 4 novembre à 12h00

1- Groupama 3 à 1 854 milles de l’arrivée
2- Idec à 328 milles du leader
3- Sodebo à 333 milles?du leader
4- Gitana 11 à 344 milles du leader
5- La Boîte à Pizza à 657 milles?du leader
Toujours en compagnie de Francis Joyon, Yann Guichard est de plus en plus sollicité par une brise portante très variable : il doit enchaîner les manœuvres et barrer beaucoup pour ne pas se faire surprendre par un grain. Franck Cammas continue son déboulé dans un vent passé au Sud alors que Thomas Coville traverse un front très étendu sur l’Atlantique. Sidney Gavignet s’est fait récupéré par un cargo après que le bras de liaison de son trimaran se soit cassé entraînant la chute du mât…

« Je me suis fait prendre par des grains qui venaient de nulle part : il n’y avait pas de vent en dessous ! Rien n’indiquait qu’il y aurait ces orages venus du Sud. Et je ne suis pas encore sorti d’affaire… Depuis le départ, le vent est inconstant et le pilote a du mal à suivre, je dois donc barrer très souvent. Je suis toujours dans l’alizé de secteur Sud-Est et je vais chercher une dépression qui est devant. Groupama 3 a toujours été plus élevé en vitesse depuis le départ et il faudrait vraiment un gros coup pour revenir à sa portée. Il va falloir surveiller Thomas Coville, au Nord, car il doit bientôt passer le front et va ensuite accélérer. »

 
J+5 : vendredi 5 novembre

Classement le 5 novembre à 12h00

1- Groupama 3 à 1 421 milles de l’arrivée
2- Sodebo à 278 milles du leader
3- Idec à 329 milles?du leader
4- Gitana 11 à 400 milles du leader
5- La Boîte à Pizza à 862 milles?du leader
Yann Guichard subit de plus en plus de grains orageux qui l’engluent pendant des heures alors que Franck Cammas est déjà passé derrière le front tout comme Thomas Coville qui descend rapidement vers les Antilles. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne puisque Francis Joyon réussit lui aussi à traverser le front : c’est le jour de la rupture de contact entre les deux solitaires car à quelques dizaines de milles, l’orage n’a pas sévi de la même façon ! La suite dans une zone de grains parfois très violents, ne permettra plus à Gitana 11 de revenir dans le match…

« En milieu d’après-midi ce vendredi, Gitana 11 progresse toujours sous les grains orageux du front qui l’ont considérablement ralenti ces dernières heures. Le vent peine à basculer franchement au Nord-Nord Est alors que Francis Joyon avait passé cette barrière au petit matin sans encombre. Yann Guichard devrait s’en sortir, mais c’est un peu comme un Pot au Noir : cela peut évoluer négativement très rapidement. Idec et Gitana 11 n’ont pas suivi la même trajectoire hier car chacun souhaitait exploiter au mieux les conditions météos par rapport au potentiel de son bateau. » analysait Sylvain Mondon de Météo France.

 
J+6 : samedi 6 novembre

Classement le 6 novembre à 12h00

1- Groupama 3 à 961 milles de l’arrivée
2- Sodebo à 235 milles du leader
3- Idec à 239 milles?du leader
4- Gitana 11 à 514 milles du leader
5- La Boîte à Pizza à 1 102 milles?du leader
Dure journée pour Yann Guichard qui voit ses trois concurrents partir au loin quand il reste planté sous les nuages. Thomas Coville revient très fort par le Nord avec des pointes à plus de 35 nœuds et l’incertitude règne sur les derniers 1 000 milles à parcourir depuis qu’une dépression tropicale, Tomas, s’est formée au Nord des Antilles.

« Depuis le départ de Saint-Malo, je suis beaucoup sollicité à la barre parce que le pilote a du mal à suivre. Le fait que Gitana 11 soit plus léger et plus court rend le bateau plus instable dans les conditions très changeantes que nous avons eues. Je pense que j’ai été obligé de manœuvrer plus que mes concurrents plus lourds qui peuvent garder la toile plus longtemps. Je suis un peu déçu de m’être fait planter dans la molle hier parce que j’avais réussi à faire un bon décalage dans le Sud par rapport à Francis, et passer dix heures à trois nœuds, quand les autres avancent à plus de 25 nœuds, ça m’a un peu cassé le moral. Mais ça va mieux maintenant : c’est reparti ! »

 
J+7 : dimanche 7 novembre

Classement le 7 novembre à 12h00

1- Groupama 3 à 517 milles de l’arrivée
2- Sodebo à 206 milles du leader
3- Idec à 375 milles?du leader
4- Gitana 11 à 601 milles du leader
5- La Boîte à Pizza à 1 125 milles?du leader
Gitana 11 avance par à-coups au gré des grains orageux qui n’en finissent pas depuis deux jours. Yann Guichard commence à accumuler une grosse fatigue, mais ne lâche rien pour ne pas risquer de chavirer. Pour les deux leaders, les conditions météo ont radicalement changé car la brise de Nord-Est commence à s’essouffler. Le sprint final s’annonce encore très ouvert…

« C’est un peu chaud, mais ça va ! J’ai de l’air de travers avec de la mer et depuis samedi, il y a des grains assez violents. C’est très irrégulier et ce n’est pas de tout repos. Je me suis fait prendre cette nuit par un nuage : c’est passé de 5 nœuds à 43 nœuds. J’ai pris deux ris dans la grand-voile avec le foc de brise, mais c’était un peu limite. Les grains ne sont pas gros et ne préviennent pas. Nous ne pouvons pas les voir sur les images satellite. Dans mon Ouest, Francis Joyon a dû aussi passer une nuit difficile parce que la zone orageuse est assez étendue. Jusqu’à l’arrivée, cela ne semble pas très stable même s’il y aura moins de grains. La Guadeloupe se mérite ! »

 
J+8 : lundi 8 novembre

Classement le 8 novembre à 12h00

1- Groupama 3 à 230 milles de l’arrivée
2- Sodebo à 286 milles du leader
3- Idec à 350 milles?du leader
4- Gitana 11 à 578 milles du leader
5- La Boîte à Pizza à 1 058 milles?du leader
Même s’il doit composer avec des vents faibles et contraires, rien ne semble plus pouvoir enrayer la victoire annoncée de Franck Cammas. Car Thomas Coville tire lui aussi des bords dans du vent faible au point de s’inquiéter d’un retour de Francis Joyon par l’Est ! Pour Yann Guichard, rien de nouveau sous les grains : le vent est toujours aussi instable car la zone orageuse s’est étendue dans le Sud.

« Il n’y a pas beaucoup d’air ce matin, mais je sors enfin des grains. Le dernier est à vingt milles dans mon Nord : j’ai été éclairé toute la nuit par la foudre ! J’ai longé une ligne de grains et j’ai réussi à passer au travers, mais c’était impressionnant ces éclairs partout. C’était ambiance Pot au Noir, avec des vents très instables. Ce n’était pas simple de dormir avec les orages. J’ai passé quatre heures avec zéro nœud de vent et j’étais obligé de tenir la barre parce qu’il y avait encore de la mer. Comme Gitana 11 est large et bas sur l’eau, il se fait balader par les vagues et il faut essayer de le guider au mieux pour qu’il ne souffre pas. »

 
J+9 : mardi 9 novembre

Classement le 9 novembre à 12h00

1- Groupama 3 à 50 milles de l’arrivée
2- Idec à 144 milles du leader
3- Sodebo à 183 milles?du leader
4- Gitana 11 à 554 milles du leader
5- La Boîte à Pizza à 1 048 milles?du leader
La route Nord n’a finalement pas réussi à mettre en ballottage Franck Cammas qui enroule la Guadeloupe après neuf jours de mer. Thomas Coville voit croiser devant lui Francis Joyon revenu du diable Vauvert dans une petite brise de travers quand Yann Guichard doit encore batailler dans un souffle asthmatique. La dépression tropicale Tomas a totalement absorbé les alizés dans un rayon de plus de 500 milles autour des Antilles.

« Ce n’est pas la tempête : j’ai entre trois et six nœuds de vent depuis deux jours ! Quand j’entends que mes trois autres concurrents directs sont en train d’arriver, ça devient un peu rude. Le plus dur, c’est que Francis a réussi à passer les grains et pas moi. Sur cette transat, j’ai pris en une semaine plus d’orages que de toute ma vie. C’était la folie, surtout que depuis le départ, je n’ai jamais eu l’occasion de faire de la glisse. Et sur la fin, c’est Francis qui peut faire du vent de travers rapide dans dix nœuds de brise alors que je suis planté et qu’il s’agissait des meilleures conditions pour Gitana 11 ! »

 
J+10 : mercredi 10 novembre

Classement le 10 novembre à 12h00

1- Groupama 3 arrivé le 9/11 à 16h16’ (9j 3h 14’ 47’’)
2- Idec arrivé le 10/11 à 2h52’ (9j 13h 50’ 48’’)
3- Sodebo à 39 milles de l’arrivée
4- Gitana 11 à 367 milles de l’arrivée
5- La Boîte à Pizza à 954 milles?de l’arrivée
Franck Cammas a été accueilli par un bain de foule quand Yann Guichard patauge dans un bain de calmes ! La faible brise s’est en plus orientée au secteur Est et Gitana 11 doit enchaîner les empannages pour faire cap vers la Guadeloupe, rallongeant d’autant sa route. Francis Joyon est arrivé avec dix heures et demie de retard, s’adjugeant la seconde place.

« Dès le départ, on a pu voir que Groupama 3 était vraiment très rapide, même dans les petits airs de Saint-Malo, et dans le golfe de Gascogne, personne ne pouvait le suivre. Cela n’a pas dû être facile pour Franck Cammas : tenir de telles moyennes aussi longtemps, c’est grand ! Certes il n’a pas eu les brises instables et les grains que Francis et moi-même avons eu à subir et qui nous ont énormément sollicités pendant une semaine. Mais quelle trajectoire et quelle course menée de main de maître ! »

 
J+11 : jeudi 11 novembre

Classement le 11 novembre à 12h00

1- Groupama 3 arrivé le 9/11 à 16h16’ (9j 3h 14’ 47’’)
2- Idec arrivé le 10/11 à 2h52’ (9j 13h 50’ 48’’)
3- Sodebo arrivé le 10/11 à 16h15’ (10j 3h 13’ 11’’)
4- Gitana 11 arrivé le 12/11 à 0h58’ (11j 11h 56’ 28’’)
5- La Boîte à Pizza à 765 milles?de l’arrivée

Enfin la Guadeloupe se profile à l’horizon au lever du soleil : Yann Guichard passe la tête aux Anglais en début de matinée antillaise, mais le tour de l’île reste toujours une galère car le vent est détourné par les montagnes. Et il faut raser Basse-Terre pour virer la dernière marque de parcours avant l’arrivée… Plus de six heures seront nécessaires pour arriver enfin à Pointe-à-Pitre à la tombée de la nuit antillaise !

 
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