Porte à porte dans le grand Sud
Après 25 jours de course, la tête de flotte du Vendée Globe 2008-2009 se montre toujours aussi compacte. Les neuf premiers se tiennent en 83 milles ; un scénario passionnant pour les observateurs et réjouissant pour les solitaires avides de compétition… Car la régate planétaire annoncée a bel et bien lieu ! Naviguant dans les latitudes australes depuis le début de semaine, les ouvreurs se sont acquittés du passage de la première porte des glaces, imposée par l'organisation pour des raisons de sécurité, et se dirigent vers la suivante, repositionnée dans le Nord-Ouest des îles Kerguelen. Troisième au pointage de 16 heures, Loïck Peyron avait retrouvé le podium provisoire et refaisait peu à peu son retard sur le duo gagnant du moment ; Gitana Eighty comptait 28,5 milles de retard sur le leader, soit près de deux fois et demi de moins qu'hier à la même heure !

Cette nouvelle semaine de mer, la quatrième depuis le départ des Sables d'Olonne, avait débuté par quelques contrariétés à bord de Gitana Eighty. Il y a 48 heures, Loïck Peyron relatait en effet une mésaventure survenue dans la nuit de lundi à mardi : la drisse de gennaker avait cédé, entraînant dans sa casse la voile … pour ne rien gâcher au tableau, la dite voile d'avant filait sous le monocoque avant de venir s'entortiller dans la quille. Débutait alors une opération de sauvetage musclée, dont Loïck mettra quelques heures à se remettre après d'indispensables plages de repos dans la bannette. Si la voile est sortie intacte de cette histoire, la péripétie n'en est pourtant pas fini à bord. Disposant d'une seule drisse pour cette voile d'avant, le marin baulois se voit dans l'obligation de grimper en tête de mât  pour repasser le bout et pouvoir ainsi utiliser à nouveau son gennaker. Mais un tel exercice de varappe se prépare et l'état de la mer n'a pour l'heure pas permis sa réalisation : « J'ai hésité à monter dans le mât hier mais j'avais déjà une petite liste de bricoles alors je crois que l'opération sera pour la prochaine période de molle, soit pas avant deux jours au moins.» Que l'on se rassure, compte tenu des conditions actuelles et à venir, être privé de cette voile, précieuse dans un vent medium, n'enlève rien au potentiel de Gitana Eighty pour le moment.

En témoigne l'humeur du marin… Ce jeudi, Loïck Peyron a la voix des bons jours malgré un empannage qu'il concède lui-même comme tardif la nuit dernière : « J'ai un peu merdouillé au passage de la porte Atlantique car je dormais trop bien et du coup j'ai empanné un peu tard. Mais rien de dramatique …» rassure t-il avant de poursuivre : « Tout va bien … il fait grand beau, Gitana Eighty glisse, nous avons un vent d'Ouest Nord-Ouest de 25 nœuds et la mer est encore assez calme bien qu'elle commence à se former tout doucement.» En effet, le premier vrai coup de vent des mers du Sud annoncé est en train de fondre sur la tête de flotte, et Michel Desjoyeaux, auteur d'une très belle remontée à l'arrière de ce groupe, confirmait lors de la vacation du jour que le vent était déjà plus fort dans ses voiles, aux alentours des 30 nœuds. Ce fort flux de Nord-Ouest, habituel pour le coin, devrait atteindre le monocoque aux couleurs du Groupe LCF Rothschild dans la soirée. Comme on pouvait le constater au classement de 16 heures, Loïck Peyron avait choisi de poursuivre sa progression dans l'Est tout conservant une position assez Nord sur le paquet. Si cette stratégie induit des vents moins forts que pour les camarades situés plus Sud, elle promet également des conditions de navigation plus maniables. Les prochaines heures dresseront le verdict de ce choix. Mais actuellement, la préoccupation réside surtout dans les configurations de voilure à opérer : « réduire ou au contraire conserver sa voilure ? Telle est la question … »

L'océan Indien n'est plus très loin des étraves et le passage dans des contrées plus lointaines se ressent. Ainsi, chez les solitaires contactés aujourd'hui, le son de cloche est à peu de chose près le même : après 25 jours de mer et naviguant désormais dans les mers australes, la prudence et la préservation du matériel deviennent des mots d'ordre gages de longévité : « Régater c'est une chose, mais pour gagner il faut d'abord finir. Nous allons devoir ménager nos montures » rappelait le skipper de Gitana Eighty. Mais si les discours s'accordent, il convient de mesurer où chacun placera son curseur … car les vitesses des dernières heures – comprises entre 15 et 18 nœuds – ne laissent en rien présager d'un ralentissement ! Une nouvelle fois, dans les conditions musclées qui s'annoncent, l'expérience pourrait se révéler de bon conseil, si ce n'est essentiel.

Classement du 4 décembre – 16 heures (heure française)
1. BT (Sébastien Josse) à 17 933 milles de l'arrivée
2. Generali (Yann Eliès) à 3,6 milles du 1er
3. Gitana Eighty (Loïck Peyron) à 28,5 milles
4. Paprec Virbac (Jean-Pierre Dick) à 32,1 milles
5. Veolia Environnement (Roland Jourdain) à 44,1 milles
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