Cher Atlantique !

En enroulant la pointe méridionale de l'Afrique d'Est en Ouest, on comprend mieux pourquoi  le Cap de Bonne Espérance, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de la ville du Cap est devenu mythique, contrairement au  Cap des Aiguilles, qui marque 150 kilomètres plus loin la véritable pointe sud du continent, à l'instar du Cap Horn pour l'Amérique du Sud.
Cette « anomalie » dans l'échelle de la notoriété a une explication météorologique.

Les dépressions antarctiques qui circulent librement dans le grand Sud remontent, surtout en hiver, jusqu'à se frotter à la montagne africaine. Le cap de Bonne Espérance, sentinelle avancée du relief tournée vers le Sud Ouest, agit comme un véritable coin qui divise le flux en deux courants d'air bien distincts. La plus grosse partie est contrainte à glisser sous l'Afrique, canalisant le vent de Nord-Ouest jusqu'au Cap des Aiguilles. Les vents d'Ouest et de Sud-Ouest  des dépressions prennent le relais le long de la côte Sud et rendent la navigation difficile sur plus de 800 kilomètres, n'offrant aucun abri avant port Elisabeth. Un vrai chemin de croix pour celui qui vient de l'Océan indien.
La partie la plus nord des perturbations, scalpé par le fameux cap, est déviée quand à elle vers la gauche, générant des vents de Sud qui longent la côte jusqu'à la Namibie. Ce qui d'ailleurs n'a pas facilité la tâche des explorateurs portugais, qui ont mis plusieurs dizaines d'années de gagne-petit avant d'atteindre le Cap.

Bonne Espérance, et non le Cap des Aiguilles, marque donc la véritable frontière entre vents de Nord Ouest et vents de Sud. La limite entre les deux flux est très ténue et son franchissement se fait en l'espace de quelques de milles. La transition peut être soudaine.

C'est exactement ce qu'il nous est arrivé hier matin. Au lever du jour, alors que nous commencions à découvrir les contours magnifiques de toute la péninsule, le vent a tourné d'un seul coup, transformant notre louvoyage pénible en une glissade de bonheur. Tel un cadeau tant désiré, la porte de l'Atlantique s'est enfin ouverte en grand. Ciel bleu, oiseaux en pagaille, phoques, dauphins, houle douce et longue, la « montagne de la table » qui surplombe Cape Town dans la brume matinale… Nous avons vite enlevé nos cirés pour profiter à plein du spectacle. Une orgie de bonheur !

Depuis notre départ de Hong-Kong il y a trois semaines, nous avons toujours gagné vers le Sud, l'air se refroidissant jour après jour. Nous entamons désormais la remontée vers l'été et vers nos maisons. Espérons que ce soit à grands pas.

Atlantique, sois gentil s'il te plait…

Dominic Vittet

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