Voilà déjà plus de huit mois que Lionel Lemonchois et ses hommes sillonnent les océans du globe à bord de Gitana 13. Ce matin, ils ont une nouvelle fois largué les amarres et repris la mer. Devant les étraves du maxi-catamaran de 33 mètres s'annonce un septième et dernier chronomètre à battre pour clore une campagne de records déjà riche en enseignements et en découvertes.
Après la Route de l'Or, dont ils détiennent le nouveau record en 43 jours 3 minutes 18 secondes depuis février dernier, c'est à une nouvelle route mythique que s'attaquent les marins du Gitana Team : la Route du Thé. Cette voie commerciale prestigieuse a vu les plus grands clippers du XIXème siècle se livrer bataille sur son parcours sélectif : A commencer par la descente au près en Mer de Chine puis en Mer de Java, avant l'entrée dans l'Océan Indien ; un océan tumultueux auquel l'équipage de Lionel Lemonchois tournera le dos sitôt le Cap de Bonne-Espérance (pointe sud-est de l'Afrique) laissé à tribord. Dès lors, les dix marins débuteront la longue remontée de l'Océan Atlantique et son lot de surprises. Durant les quarante jours de mer qu'il s'est fixé comme objectif, l'équipage du maxi-catamaran armé par le Baron Benjamin de Rothschild, aura la chance d'emprunter une route peu connue des marins contemporains. Car, à ce jour, aucun maxi de la G Class ne s'est aventuré dans ces contrées ; le record étant depuis 1990, la propriété du navigateur français Philippe Monnet.
Selon les prévisions météorologiques, Gitana 13 devrait faire face dans les premiers jours de course, à un vent médium de Sud-Ouest à Ouest oscillant. Le près est donc au menu de ce début de parcours, qui conduira les hommes du Gitana Team non loin des côtes vietnamiennes avant de se rapprocher des rivages malaisiens et indonésiens : « Notre première partie de parcours, jusqu'à l'Océan Indien, ne sera pas forcément très rapide. Jusqu'au Sud du Vietnam, l'anémomètre ne devrait guère dépasser les 10-15 nœuds, mais le vent, qui adonnera progressivement, nous permettra d'accélérer à l'approche de la Mer de Java. Il ne devrait pas y avoir de grandes surprises météorologiques sur ces premiers milles, mais l'équipage devra rester vigilant. Nous avons pu constater lors de nos précédents records que la Mer de Chine pouvait nous réserver de nombreuses rencontres (bateaux de pêche et filets dérivants en pagaille). De plus, tout au long de notre descente vers l'Indien, nous allons croiser des chapelets d'îles … la terre ne sera jamais bien loin » nous confiait Lionel Lemonchois ce matin, quelques minutes avant de gagner la ligne de départ.
Analyse météo de la première partie : La Mer de Chine méridionale
Sylvain Mondon, prévisionniste pour la sécurité en mer chez Météo France, sera également de la partie. Routeur à terre du Gitana Team, Sylvain nous décrivait la configuration météorologique du début de parcours : « En été, le flux de mousson est en place sur cette partie de l'Asie. Le flux de mousson provient des Alizés de Sud-Est de l'hémisphère sud prenant naissance à l'est de l'Indonésie. Ces alizés ayant acquis suffisamment de vitesse parviennent à franchir l'équateur et comme la force de Coriolis change de sens ils sont déviés vers la droite (au lieu d'être déviés vers la gauche) et s'orientent au sud puis au sud-ouest. Ces vents finissent leur long parcours océanique au pied du relief du sud la Chine, où ils alimentent en humidité l'activité pluvio-orageuse quasiment constante dans la région de Hong-Kong. C'est ce flux contraire que devra affronter Gitana 13 au près en tribord amure dans un premier temps, puis au près en bâbord amure en approchant du détroit de la Sonde qui marquera l'entrée dans l'océan Indien.»
Un peu d'histoire sur la Route du Thé
Jusqu'en 1849, la Compagnie des Indes Orientales possédait le monopole du transport maritime du Thé. Mais vint l'abrogation des lois de Navigation qui la protégeait et l'ouverture de ce commerce pour les clippers américains, habituellement dédiés au coton. Ces navires plus rapides imposèrent des tarifs doubles et les armateurs britanniques, pour rester dans la course, durent se lancer dans la construction de nouveaux voiliers : les clippers. Vers le milieu du XIXème siècle, la course annuelle des « Tea-Clippers » depuis la Chine était pour les marins une véritable obsession. Le premier navire à atteindre Londres avec sa précieuse cargaison empochait des sommes colossales et un prestige non négligeable. Quittant Londres en hiver, les clippers effectuaient leurs voyages allers en emportant des chargements quelconques vers n'importe quelle destination en Orient, voire en Australie. Puis, en plein été, les navires cinglaient vers la Chine et se dirigeaient vers les principaux ports du thé, prêts à charger le tout premier thé nouveau.
L'équipage de Gitana 13
Lionel Lemonchois (Skipper)
Dominic Vittet (navigateur) / Ludovic Aglaor / Pascal Blouin / David Boileau/ Léopold Lucet / Ronan Le Goff / Olivier Wroczynski / Ronan Guérin / Laurent Mermod
Les records de Gitana 13
Route de l'Or (New York – San Francisco, via le Cap Horn) : en 43 jours 3 minutes 18 secondes (février 2008)
Traversée du Pacifique Nord (San Francisco – Yokohama) : en 11 jours 12 minutes 55 secondes (avril 2008)
Yokohama – Dalian : 3 jours 20 heures 19 minutes et 11 secondes
Dalian – Qingdao : 23 heures 50 minutes et 20 secondes
Qingdao – Taiwan : 3 jours 52 minutes et 15 secondes
Taipei – Hong-Kong : 1 jour 58 minutes 27 secondes