Troisième nuit de mer à plus de 30 nœuds de vent, l'anémomètre s'offrant même des pointes à 35/38 nœuds. Troisième nuit d'encre où des cataractes d'eau tombent en permanence sur le pont et sur l'équipage, qui n'en demande pas tant. Mais la récompense est bien dans ce speedo qui ne descend jamais sous les 20/22 nœuds, malgré la mer formée et croisée et cette trajectoire au cordeau qui nous fait gagner des milles à chaque heure qui passe. Cette trajectoire, il fallait oser l'emprunter, d'autres ne l'auraient pas fait. On aurait pu se contenter d'une glissade alizéenne vers Hawaï, mais Captain Lionel, toujours magnifiquement épaulé par Sylvain Mondon de Météo France, nous a choisi cette route un rien virile. Depuis le départ, nous enchaînons les « reaching de la mort ». Qu'est-ce donc que cela ?
Chaque discipline, chaque métier possède son jargon et dans le notre nous avons le mot « reaching », du verbe To reach, qui signifie en français « atteindre ». Il désigne une allure où le bateau peu rejoindre son but en suivant une route directe, sans avoir à tirer de bords. Cette allure est l'allure la plus rapide pour un voilier, ce qui semble logique puisqu'il ne parcourt que des milles utiles. Mais c'est aussi parfois grandement inconfortable, comme c'est le cas pour nous actuellement. Travers au vent, travers à la lame, nous percutons à pleine vitesse, de toute la puissance dégagée par les 25 tonnes de Gitana 13, la mer qui explose en mille éclats à notre passage. Comme notre maxi-catamaran a été révisé à fond pendant l'escale et qu'après 43 jours passés en mer lors du précédent record nous avons pris toute la mesure de ses capacités, c'est de bon cœur que nous menons notre monture.
A demain
Nicolas Raynaud