« Il y a eu la statue de la Liberté, l'équateur, le cap Horn, à nouveau l'équateur, il ne reste plus que le Golden Gate Bridge » s'amuse Lionel alors que nous sommes tous rassemblés dans le cockpit de la coque au vent. Dans les dernières lueurs du soleil couchant, nous dégustons l'unique bouteille de vin rouge – un Château Clarke 2003 – embarquée, avec le peu de jambon cru qu'il nous reste. L'équateur est juste derrière nous, nous l'avons franchi ce mardi 19 février à 00h56'39' TU exactement, soit onze jours et une heure après notre passage au cap Horn. San Francisco est maintenant moins de 2 500 milles de nos étraves, mais la route pour l'atteindre semble bel et bien semée, une nouvelle fois, d'embûches.
L'horizon, depuis hier matin, est chargé de lourds nuages gris/noirs. Nous ne sommes pas encore dans le Pot au Noir, loin de là, mais la reprise d'activité sur Gitana 13 est manifeste. Si l'équipage, ces dix derniers jours, jouait sur des micros réglages, là nous avons joué avec notre garde-robe pour saluer comme il se doit ces changements de vent intempestifs. Grand gennaker, solent, petit gennaker, sous la chaleur tropicale, à peine rafraîchi par un peu de pluie, nous avons à nouveau poussé sur les manivelles des moulins à café qui ont retrouvé toutes leurs fonctions. Ce petit jeu, celui d'avoir la toile du temps, n'est pas prêt de s'arrêter tellement la météo s'annonce incertaine dans le futur.
Au menu : le Pot au Noir dès demain, puis du près, avec une dorsale anticyclonique à traverser, puis à nouveau du près avec sans doute, on l'espère très fort, un passage de front à négocier, ce qui signifierait une navigation un temps au portant. Ceci est bien sûr un menu extrêmement simplifié, d'ailleurs Grand Nuage Mort envoie des signaux de fumée à qui mieux mieux pour essayer d'y voir un peu plus clair. Au jour d'aujourd'hui la plus grande expectative règne, mais comme 33 jours de mer apprennent à être philosophe, ce n'est pas cela qui va venir perturber la saine ambiance du bord.
A demain
Nicolas Raynaud