Remontée chilienne de Gitana 13
Quatre semaines se sont déjà écoulées depuis le départ de Gitana 13 de New York, le 16 janvier dernier. Suite à un passage du Cap Horn épique – rappelons que pour cause de mauvais temps, les dix marins ont dû patienter cinq jours pour doubler le célèbre rocher – Lionel Lemonchois et ses équipiers ont connu une entrée musclée dans les eaux de l'Océan Pacifique.

Naviguant désormais dans les alizés de l'hémisphère Sud, le maxi-catamaran armé par le Baron Benjamin de Rothschild poursuit sa remontée vers L'Equateur ; le deuxième de cette tentative de record entre New York et San Francisco. 4300 milles, sur les 14 000 milles de la distance totale, restaient ce matin à parcourir pour rallier le port de la côte Ouest américaine.

En météorologie, la demie mesure est rare … c'est en tous cas vrai pour Lionel Lemonchois et ses hommes d'équipage qui en une semaine de navigation ont côtoyé des conditions très contrastées : les « fureurs » du Horn et les dépressions du Pacifique venant balayer la pointe sud-américaine ont laissé place à des alizés poussifs, qui peinent à conserver leur intensité.
Face à ce flux de Sud-Est paresseux, l'équipage de Gitana 13 enchaîne les empannages depuis 48 heures pour rester dans une veine de vents plus soutenus. Une stratégie payante, qui oblige néanmoins le maxi-catamaran à rallonger la route qui le mène vers San Francisco : « Hier, le vent s'est avéré plus fort que prévu sur les fichiers, ce qui nous a donné un peu d'avance sur les routages. Mais nous nous sommes retrouvés plein vent arrière, contraints de tirer des bords de largue sous gennaker. Ca glisse bien ces derniers temps et nous avons réalisé de belles moyennes au-dessus de 20 nœuds. Malgré tout, ces bords nous rallongent le chemin et nous ne parvenons guère à enregistrer des journées supérieures à 400 milles gagnés sur la route » expliquait Lionel Lemonchois.

Une route qui n'est pas encore clairement tracée pour le maxi-catamaran de la flotte Gitana. En effet, deux possibilités s'offrent aujourd'hui aux dix marins : Ils peuvent soit décider de privilégier le franchissement de la Zone de Convergence Inter-Tropicale en optant pour un passage plutôt Ouest ou emprunter une route plus Est pour passer le Pot-au-Noir au plus court, et ce afin d'éviter de naviguer trop longtemps au près jusqu'à l'arrivée. Un choix qui n'est pas encore arrêté, comme le notait le skipper de Gitana 13 : « Nous n'avons pas encore décidé si oui ou non nous coupions le fromage pour rejoindre le Pot-au-Noir. Nous en saurons plus d'ici 2-3 jours. Ce point de passage est important en soi car selon que l'on décide de passer plutôt Est ou plutôt Ouest, les conditions seront bien différentes à l'intérieur. Mais plus que la Zone de convergence en elle-même nous cherchons à nous positionner au mieux pour la fin de notre parcours. Les maxi-catamarans et Gitana 13 particulièrement, n'aiment pas les allures de près ; les vents de face combinés à une mer légèrement formée rendant la progression de ces bateaux vraiment difficile.» Et pourtant les derniers milles vers San Francisco se feront à cette allure … C'est pourquoi Lionel Lemonchois et son équipage cherchent à réduire cette dernière « ligne droite », quitte à concéder quelques heures dans un Pot-au-Noir plus étendu.

Le retour de Gitana 13 dans l'hémisphère Nord est programmé pour le début de semaine prochaine. Après plus d'un mois de mer, la fatigue commence à se faire sentir mais les marins du Gitana Team demeurent plus motivés que jamais pour accrocher le premier record du maxi-catamaran sous les couleurs du Groupe LCF Rothschild.

Loïck Peyron, qui allie avec finesse les postes de Team manager et de skipper du monocoque 60' Gitana Eighty, suit avec le plus grand intérêt la tentative de record de Lionel Lemonchois et de ses hommes. Il nous confiait ses sentiments sur le parcours de Gitana 13 : « La tentative de record de Gitana 13 est passionnante à suivre de l'extérieur et l'équipage de Lionel Lemonchois réalise un joli parcours depuis son départ de New York. Le premier quart du record a été exemplaire et je pense que leur performance jusqu'à l'Equateur restera une référence.
La descente le long des côtes brésiliennes et argentines représente tout à fait l'esprit que Lionel donne à ses navigations : safe mais rapide, avec une excellente gestion mécanique. Gitana 13 est un bateau exigeant mais les travaux apportés par les membres du Gitana Team pour en optimiser les performances portent leurs fruits. C'est une réelle satisfaction collective, la réussite d'un travail d'équipe. J'ai trouvé que leur arrêt au stand, avant le Cap Horn, était une jolie histoire ; car si humainement cette situation a pu être très dure, elle nous ramène à l'humilité nécessaire face aux éléments. Car la marine à voile rappelle au genre humain que seuls les éléments décident ! Après cinq jours de patience au « bout du monde » ils sont parvenus à se faufiler dans un trou de souris pour reprendre leur route. Bien que la fin de parcours s'annonce délicate, au près – une allure que n'affectionne pas vraiment Gitana 13 – je suis persuadé qu'ils sauront conclure la première aventure de cette saison 2008 de très belle manière. » 

Pour l'histoire

Au milieu du XIXème siècle, la route maritime New York – San Francisco devient un voyage commercial extrêmement rentable. Ainsi, les liaisons entre la Côte Est et la Côte Ouest des Etats-Unis s'intensifient. Mais les temps de traversées – en moyenne 150 jours – entravent encore un gain maximum. Ayant bien compris que la course au profit passait par une course contre la montre, les armateurs des voiliers à destination de San Francisco sollicitent les chantiers navals qui entreprennent la construction de véritable « chasseurs de records ». 
Grand acteur du transport maritime de l'époque, la société de navigation New-Yorkaise Grinnel Mintrum and Co passe commande d'un trois-mâts barque de 71 mètres au chantier Mac Kay de Boston. Le Flying Cloud, le plus grand clipper jamais construit, voit le jour en avril 1851. La barre du navire est confiée au jeune capitaine Josiah Perkins Cressy. L'année de son lancement le Flying Cloud établit un premier record en ralliant San Francisco en 89 jours et 21 heures. Un temps qu'il améliorera de 13 heures trois ans pour plus tard. Ce record historique, qui constitue dans les années 1850 un véritable exploit, restera la référence sur ce tracé durant plus de 135 ans.

Les chiffres du record

Le temps à battre : 57 jours 3 heures 21 minutes 45 secondes, record établi par Yves Parlier et son équipage en 1998

Départ de New York : Mercredi 16 janvier, à 17h29 (heure française)
Passage à l'équateur : Mercredi 23 janvier à 8h24 (heure française),
Temps de passage - 6 jours 14 heures 52 minutes
Passage du Cap Horn : Vendredi 8 février à 00h54 (heure française),
Temps de passage - 22 jours 7 heures 25 minutes

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