Quatre semaines dans le sillage, déjà, seulement, on ne sait plus très bien, la seule chose que l'on sache vraiment est que San Francisco est encore loin ! Si dans la première partie de notre parcours, nous n'avons fait quasiment que de la route « utile », cette remontée vers le but ne permet pas une telle efficacité. Hier, nous avons parcouru quelques 500 milles, mais avec un gain positif de « seulement » 395 milles. Analyse de Nuage Mort, surnom aujourd'hui unanimement employé par tout l'équipage pour désigner notre navigateur Dominic Vittet. « Depuis le Horn, si on tendait le fil, nous serions au moins 350 milles plus nord ». Ce surnom provient d'une discussion à bâtons rompus à propos du Pot au Noir, Nuage Mort arguant qu'il y a des nuages générant du vent et d'autres vides de vent, ces derniers étant donc « morts »…Comme vous pouvez le constater, on s'amuse avec les moyens du bord.
Cette journée de mardi, pour ne rien vous cacher, a été un rien tristounette. Pas une trace de bleu ou de soleil, que du gris sur une mer vide de vie, sauf un banc de quelques marsouins aperçu au petit matin… Le vent, lui, est d'une stabilité à laquelle nous ne sommes pas habitués. Alors, sans manœuvres à exécuter si ce n'est quelques empannages, nous glissons toutes voiles dehors vers l'équateur. Des réglages de ci de là, mais tout se passe à la barre, avec un leitmotiv : allez vite tout en descendant au maximum dans le lit du vent. Cette partition délicate, toujours difficile à exécuter, demande attention et concentration. Mais un chrono tourne et si l'on ne parle jamais de lui, sa présence est une motivation suffisante pour nous tous.
Ce rythme d'environ 400 milles quotidien devrait perdurer jusqu'à la journée du 16, ensuite cet alizé de sud-est devrait faiblir encore un peu plus. S'il est loin à l'horizon, le passage de notre deuxième Pot au Noir est déjà dans toutes les discussions. Avec un passage envisagé plus vers l'est que la normale, donc plus vers la terre, nous allons sans doute tenter un coup. Nous aurons le temps d'en reparler, d'ici là les choses peuvent aussi changer. Cette échéance est encore à dix bons jours de nos étraves, mais une attaque pour réussir se doit d'être préparée longuement à l'avance.
A demain
Nicolas Raynaud