Entre parenthèse

50 nœuds de vent moyen, rafales jusqu'à 65. Dans la nuit noire, seulement éclairée par les crêtes blanches,  Gitana 13 est à la cape sous mât seul, barre amarrée, avec les hommes de quart en veille sous la casquette.  Ambiance des grandes tempêtes, celles qui laissent des souvenirs…

Quelques jolis « talus » viennent durement nous secouer, mais nous sommes protégés au mieux par la Terre de Feu. Au large, là où l'on devrait être si nous n'avions pas pris la décision de nous arrêter, cela doit être l'enfer… Rien que d'y penser, alors que l'on voit comment ce peu de mer maltraite déjà le bateau, cela donne des frissons alors que la seule surface du mât est déjà très largement suffisante. Plus, ce serait trop, tout simplement. Et d'évoquer évidement les marins d'autrefois qui se faisaient ici même prendre par les mêmes tempêtes, mais qui eux n'avaient pas les moyens de les éviter comme nous aujourd'hui. Comment faisaient-ils ? Respect !

Si en cette nuit de dimanche à lundi nous sommes à quelque chose près au même endroit que samedi matin, soit au nord de l'entrée du détroit de Le Maire, c'est bien en raison des prévisions météos. Elles seules nous ont empêché d'aller au carton. Car hier samedi, nous aurions pu passer le Cap Horn mais c'est après que l'affaire se corsait. Le Cap Horn est une chose, contourner toute la pointe sud de l'Amérique et amorcer la remontée au vent de la côte chilienne, une des plus inhospitalières au monde, en est une autre. C'est là, dans l'amorce du tournant vers le nord, que nous serions en ce moment si nous n'avions pas mis notre progression entre parenthèse. Là, ce ne serait pas des petits « talus » que nous aurions à négocier, mais bien des creux déferlants de six à dix mètres, voir plus. Avec aucun échappatoire en cas de problème. Le vent de sud-ouest à ouest pousse inexorablement à la côte… Pas besoin d'en dire beaucoup plus alors, à l'image de notre bateau, nous faisons aussi le dos rond. Tout le reste n'est que littérature et c'est mercredi que nous espérons repartir de cet arrêt au stand sans stand ! D'ici là, une nouvelle dépression, du même acabit que celle que nous subissons, sera passée. Nous pourrons alors reprendre notre route, elle ne sera pas de tout repos pour autant.

A demain

Nicolas Raynaud

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