Avec 266 milles au compteur, nous avons bouclé hier mercredi notre première semaine de navigation. Départ en fanfare et fin en douceur, normal avec le Pot au Noir. Le re-démarrage a été plus long que prévu : une masse nuageuse est venue « bouffer » l'alizé. Il a fallu attendre le milieu de l'après-midi pour sentir Gitana 13 s'ébrouer à nouveau. Là, les coques chuintent, la plateforme tressaute, en un mot le bateau reprend vie et nous, nous reprenons nos habitudes de marins secoués de toutes parts. Attention, ce n'est pas encore du tout violent mais, tout le paradoxe est là, on a hâte que cela le devienne puisque c'est le signe tangible d'une journée à plus de 500 milles. On prend vite goût (on l'a toujours eu d'ailleurs, sinon nous ne saurions pas là) à ces jolis traits sur la carte, traits qui demandent habituellement trois très bons jours de navigation à un voilier « normalement constitué ».
Une semaine, et c'est comme si nous étions partis hier. La notion du temps est une notion toute relative, elle vole en tout cas en éclat dès qu'il n'y a plus que le bleu autour de vous. Si cela ne marche pas, c'est que vous n'êtes pas fait pour cela. Tout simplement. Ainsi, en milieu de journée, nous avons eu la chance d'être accompagnés par une colonie de Fou de Bassan venue pêcher autour de nos coques. A l'évidence, deux techniques d'attaque. Le piqué impressionnant avec plongeon à la clef ou alors ce même piqué, mais avec un court et somptueux rétablissement au ras des flots pour poursuivre le poisson volant immanquablement rattrapé dans son vol pataud. La grâce d'un côté, la lourdeur de l'autre : à tous les coups ils sont gagnants et nous, nous n'avons pas vu passer le temps…
Sous solent et grand-voile haute, à 80° du vent, nous entamons notre descente de l'atlantique sud. Le vent devrait adonner et nous permettre d'allonger la foulée, de retrouver la cadence tenue dans l'hémisphère nord. Notre objectif est clair : être dans les parages du cap Horn à la fin du mois. 3 600 milles nous séparent encore, une broutille quand on a la tête dans les étoiles.
A demain
Nicolas Raynaud