Douze jours pour le 12
Thierry Duprey du Vorsent a terminé sa première transat en solitaire à quelques heures seulement du précédent temps de référence établi par Laurent Bourgnon en 1998. Le skipper de Gitana 12 n'a pourtant pas toujours été à la fête avec deux grosses avaries qui ont nettement diminué le potentiel du trimaran. Thierry revient sur cette première expérience en solo.
Coup de canon à Saint-Malo

« Le départ a été un moment très fort pour moi puisque pour la première fois, je me suis retrouvé tout seul à faire mon choix de ligne, à me positionner, à régler les voiles, à surveiller les autres concurrents : je partais pour traverser l'Atlantique en solitaire ! »

Première nuit

« La sortie de la Manche a été assez laborieuse dans du vent très variable mais j'étais plutôt à l'aise car cela restait maniable pour moi et me mettait en condition progressivement. C'était une mise en jambes assez sympa et en plus, je restais bien au contact de la flotte. »

Face au front

« Avec Sylvain Mondon de Météo France et Mayeul Riffet, mon routeur, nous avions comme Lionel déjà une idée de ce qui allait se passer les premiers jours de course. En fait, le front était déjà bien dégénéré et j'ai rapidement effectué mon premier virement de bord pour aller chercher les Açores. »

Problème de rythme

« L'écart commence à se creuser entre les leaders et Gitana 12 parce que mon temps d'adaptation est trop long et je manœuvre trop pour tenter de ne pas me faire déborder. Au final, je suis en retrait par rapport au rythme imposé par Lionel et mon retard atteint déjà 200 milles. Je me rends compte qu'il faut que j'aborde la course d'une autre façon sinon je ne vais pas tenir le rythme en étant en permanence sur le pont, à adapter la voilure au lieu de gérer mon cap. »

Coup d'accélérateur

« Le vent rentre bien à plus de 25 nœuds de secteur Est et les vitesses moyennes grimpent sérieusement. Il faut quand même aborder une petite molle avant les Açores et j'ai un passage un peu dur qui me ralentit et augmente encore l'écart. En fait déjà, les conditions météorologiques commencent à différer un peu entre la tête de la flotte et la queue… »

Passage à niveau

« Au quatrième jour de course, j'aborde les Açores mais ayant empanné trop tôt avant l'archipel, je me retrouve sur une trajectoire trop abattue pour raser l'île de Sao Miguel avec beaucoup de difficultés. Je perds donc pas mal de milles pendant que Lionel dort ! La sortie des Açores est plutôt laborieuse dans un vent qui mollit alors que les leaders retouchent du vent frais pour s'échapper de cette dépression. »

Abordage

« Je n'ai déjà plus les mêmes conditions mais navigue avec Claude Thélier et Antoine Koch à proximité : il y a donc du match et encore plus de 2 000 milles à parcourir… Le vent revient mais avec une mer très courte qui me fait planter les étraves : heureusement que j'étais à la barre ! Et le lendemain de l'empannage sous les Açores, c'est une baleine qui sort la tête juste sous l'étrave de Gitana 12… La mer est plate, j'avance sous grand voile haute et gennaker à 8-9 nœuds et boum ! La sous-barbe explose et donc je ne peux plus mettre de voile à l'avant. J'appelle les architectes qui m'indiquent que je peux installer le foc solent mais pas trop tirer dessus… »

Moral en baisse

« J'ai un coup de mou parce que je commence à comprendre qu'il sera difficile de continuer à se battre avec Claude et Antoine, même si ce dernier est aussi handicapé par des problèmes techniques de chariot de grand voile… Mais je ne baisse pas les bras ! Définitivement, les leaders nous ont largué et il n'y a aucune chance qu'il y ait un retournement de situation météo : il y a une onde d'Est sur notre chemin et la fin de parcours s'annonce déjà nettement moins rapide… Il faut essayer de descendre sous la dorsale avec très peu de brise. Le vent tourne dans tous les sens et ça fatigue. »

Encore dans le match

« Il y a de la régate dans l'air ! Je sais que la course ne va pas être facile à finir mais j'ai repris du terrain à Claude, et il y a aussi Franck-Yves Escoffier dans les parages : je me re-motive à bloc ! Je sais que si nous arrivons groupés avant le tour de la Guadeloupe, nous pourrons nous amuser sur les dernier milles… Je garde l'espoir et conforte mon moral malgré une météo de plus en plus mauvaise et instable. »

Déchirure

« Gros passages nuageux, grains violents, calmes à suivre, mer hachée : une journée pas très agréable sauf que j'apprends que Lionel vient de remporter la Route du Rhum. Super ! Mais quelques heures plus tard, ma grand-voile explose au dessus du troisième ris… Je suis plutôt abattu mais cela ne dure pas : j'imagine rapidement une réparation en ligaturant deux lattes entre elles. Après une nuit de travail, je peux renvoyer la toile. Je sais que je dois mettre toute mon énergie pour finir le plus vite possible : la Guadeloupe est de toute façon la côte la plus proche. »

Longue route

« Il me reste encore 1 000 milles à parcourir… Je préserve ma voile mais je tiens un bon rythme pour en finir rapidement sans que Gitana 12 ne souffre plus. Le temps n'est pas très favorable avec toujours des vents instables et des alizés poussifs mais les îles apparaissent enfin à l'horizon ! »

Un dernier tour

« Il faut effectuer le tour de la Guadeloupe et ma grand voile explose de nouveau : impossible de la réparer avant l'arrivée ! Je finis le parcours sous foc seul et le vent mollit de plus en plus au fur et à mesure que j'approche de la ligne d'arrivée. C'est très long, très dur, je n'en vois pas le bout ! Heureusement, il y a d'autres bateaux dans les environs (ceux de Roland Jourdain et de Jean Le Cam) et cela donne un peu de piment… »

Pied à terre

« Une grande satisfaction d'avoir fini ! C'est tout de même ma première transat en solitaire sur un trimaran… J'ai surmonté les problèmes techniques et préserver au maximum le bateau. »

Enseignements

« J'ai appris que je me sentais bien tout seul en mer. Avec la motivation de la course. Je n'ai jamais baissé les bras même aux moments les plus durs. J'ai donné le meilleur de moi-même et psychologiquement, je suis maintenant mieux armé pour faire un résultat. Je sais que je peux encore pousser le bateau. J'ai acquis de la confiance en moi. J'ai vécu des moments très forts personnellement et j'ai eu de très grands bonheurs, d'avoir franchi un pas, d'avoir mener le trimaran à son maximum parfois… J'ai appris aussi à mieux gérer mon état physique, à dormir plus sereinement, à m'adapter aux contraintes de la fatigue. Une expérience unique et enrichissante ! »

Classement de la Route du Rhum – Banque Postale 2006 :

1-Lionel Lemonchois (Gitana 11) en 7 jours 17 heures 19 minutes 06 secondes à 19,1 nœuds de moyenne sur les 3 550 milles du parcours soit 4j 15h 22' de mieux que le temps de référence établi par Laurent Bourgnon en 1998
2-Pascal Bidégorry (Banque Populaire IV) en 8j 04h 25' 07'' à 11h 06' 01'' du vainqueur
3-Thomas Coville (Sodeb'O) en 8j 13h 39' 02'' à 20h 19' 56'' du vainqueur
4-Michel Desjoyeaux (Géant) en 8j 13h 48' 24'' à 20h 29'18'' du vainqueur
5-Franck Cammas (Groupama-2) en 8j 17h 55' 17'' à 1j 00h 36' 11'' du vainqueur
6-Yvan Bourgnon (Brossard) en 9j 00h 40' 15'' à 1j 07h 21' 09'' du vainqueur
7-Alain Gautier (Foncia) en 9j 16h 14' 40'' à 1j 22h 55' 34'' du vainqueur
8-Claude Thélier (Région Guadeloupe-Terres de Passions) en 11j 11h 56' 51'' à 3j 18h 37' 45'' du vainqueur
9-Antoine Koch (Sopra Group) en 12j 00h 59' 41'' à 4j 07h 40' 35' du vainqueur
10-Thierry Duprey du Vorsent (Gitana 12) en 12j 15h 52' 00' à 4j 22h 32' 54'' du vainqueur
11-Gilles Lamiré (Madinina) à 1170 milles de l'arrivée
12-Stève Ravussin (Orange Project) abandon

Les contenus figurant sur ce site sont protégés par le droit d'auteur.
Toute reproduction et représentation sont strictements interdites.

Pour plus d'informations, consultez la rubrique mentions légales.
Saisissez au moins 4 caractères...