En trois jours, les Açores ! Qui aurait pu imaginer un tel scénario pour une Route du Rhum. Plus d'un tiers du parcours entre Saint-Malo et la Guadeloupe avalé à près de 25 nœuds de moyenne ces dernières heures… Avec sa route volontairement plus au Sud dès le premier jour, Lionel Lemonchois sur Gitana 11 a toujours bénéficié de conditions de navigation presque idéales et continue son cavalier seul en tête de la flotte talonné de près par ses poursuivants.
« J'ai enfin réussi à régler mes problèmes de téléphone mais pas encore ceux des e-mails… Ici, ça se passe plutôt bien : c'est assez paisible car on est sur un tapis roulant depuis lundi soir. Il y avait un peu de mer mais elle s'est bien aplatie dans la journée de mardi. Je navigue sous gennaker et grand voile haute depuis plus de 24 heures, à fond les ballons, et ça marche nickel. Le bateau va bien sous pilote ce qui me permet de dormir, de manger, d'être en bonne forme physique. Les conditions ne sont pas très dures mais il faut surtout être vigilant : là, j'ai quinze nœuds de vent et ça a dû monter jusqu'à 22 nœuds… Ce n'est pas violent ! Maintenant, il faut négocier les Açores. C'est un point névralgique de la course. Je fais totalement confiance à mes deux « suiveurs », Sylvain Mondon de Météo France et Yann Guichard, qui ont fait un superbe travail pour me positionner là ces premiers jours. Ils m'ont mis en situation de navigation saine et rapide en conservant une route plus au Sud que les autres trimarans. J'ai probablement eu moins de vent et de mer que ceux partis plus au Nord et c'est ce qui m'a permis d'être là où je suis. J'ai quand même failli me mettre sur le toit dans la bascule de noroît il y a 24 heures, beaucoup plus de ma faute que celle du bateau qui s'est mis sur la tranche. J'ai tout choqué en grand. J'ai attendu quelques secondes pour voir si le bateau redescendrait. C'est la première fois que ça m'arrive sur ce bateau. Mais je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. »
Quant à Thierry Duprey du Vorsent sur Gitana 12 qui concède 260 milles à son confrère du Gitana Team, il poursuit sa route avec sérénité et patience, à son rythme qui s'avère finalement de plus en plus soutenu. Le novice du solitaire a appris à rester zen et concentré en gérant bien ses phases de sommeil et d'alimentation. Il devrait concéder une demie journée au leader à l'issue de la traversée des Açores, ce qui ne devrait pas être pénalisant en terme de météo après l'archipel.
Une fois les îles franchies, Gitana 11 va devoir obliquer plein Ouest dans un vent tournant au secteur Nord à Nord Est afin de sortir de cette dépression açorienne et de franchir un long front froid qui scinde l'Atlantique en deux. A suivre, un nouvel empannage en tout début de week-end pour ne pas aller s'engouffrer dans l'anticyclone des Bermudes et repiquer direction la Guadeloupe. A ce rythme, c'est après moins de dix jours de mer que cette huitième édition de la Route du Rhum accueillera le vainqueur !
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Mais ce mercredi risque fort d'être le tournant de la course, au sens propre et au sens figuré, d'abord parce que le point de passage dans les Açores ne semble pas le même pour tous. Les quatre leaders (Lionel Lemonchois, Michel Desjoyeaux, Yvan Bourgnon, Pascal Bidégorry) ont choisi de le traverser par le milieu, semble-t-il entre Terceira et Sao Miguel tandis que Thomas Coville, Franck Cammas et Stève Ravussin apparaissent opter pour une route entre Florès et Faïal, donc nettement plus à l'Ouest. Ensuite parce que les trimarans vont devoir empanner après avoir traversé les Açores afin de se recaler vers l'Ouest ; enfin parce que le choix de l'heure de cette manœuvre sera encore plus important que le premier empannage de mardi matin. En effet, la trajectoire à suivre doit s'incurver au fil des milles en raison d'un vent « adonnant », (c'est-à-dire tournant progressivement du Nord Est à l'Est) lié au décalage progressif du centre de l'anticyclone des Bermudes vers le Nord Est. Si ce mercredi, les solitaires devront jouer avec les îles, les grains, les petits cols dépressionnaires sans vent, la houle croisée et chaotique due à l'archipel, il semble désormais bien acquis que le reste du parcours s'effectuera sous le soleil, dans les vents alizés, sur « l'autoroute du Sud »… Mais les écarts risquent fort d'être insuffisants pour baisser le rythme !