Franck Cammas, skipper du Maxi Edmond de Rothschild
« Depuis un mois, nous avons vécu des hauts et des bas. C’était une course très difficile et nous connaissions le niveau d’exigence depuis le départ. Avec Charles, nous avons été performants et nous avons pris beaucoup de plaisir. Nous nous sommes battus du début à la fin et notre complicité paie, c’est indéniable. Cela ne veut pas dire que l’on est toujours d’accord (rire) mais c’est justement cela qui est bien, on apporte chacun un plus à l’autre. Quand on veut se dire les choses, on se les dit et c’est comme cela que le duo fonctionne. Je dois dire que Charles a été vraiment très bon et nous avons fait un super binôme. Le rythme à donner au bateau est la question permanente. On essaie d’être raisonnables car la course est longue et il ne faut pas prendre de risques inutiles alors il y a eu des fois où nous étions au maximum mais nous avons aussi dû lever le pied par moments. Dans l’ensemble, on essayait de ne jamais passer de l’autre côté de la barrière, notamment dans l’Atlantique Sud quand il y a eu cette dépression difficile. On est vite passé mais ça secouait beaucoup à bord… Le bateau est très solide et encaisse énormément. Nous avons aussi eu beaucoup d’idées encore pour le bateau et nous allons maintenant mettre cette expérience à profit pour les prochaines courses. »
Charles Caudrelier, skipper du Maxi Edmond de Rothschild
« Ces dernières heures de course étaient un peu longues mais la côte est sublime, j’adore cet endroit. On vient de passer près de là où j’ai appris à naviguer et c’est l’un des plus beaux endroits au monde pour faire de la voile. Le bateau ? J’en suis amoureux ! Je l’aime depuis le premier jour. J’avais un peu perdu la foi après trois tours du monde sur un bateau très éprouvant mais ce trimaran est l’un des plus beaux au monde et surtout l’un des plus rapides au large ; le premier conçu pour voler en haute mer, imaginé par Guillaume Verdier et toute l’équipe du Gitana Team. Aucun bateau n’a jamais volé aussi longtemps au large et nous attendons avec impatience la mise à l’eau des nouveaux trimarans l’année prochaine. Bien sûr, nous pensons à nos concurrents de cette Brest Atlantiques. On pense à Thomas (Coville, Sodebo Ultim’ 3) qui a dû abandonner la course mais il a un bateau encore très jeune et c’est normal d’avoir quelques problèmes, nous avons aussi eu notre lot. Thomas a fait une très belle course et on lui donne rendez-vous bientôt. François (Gabart. Macif) est à bord de ce bateau avec lequel il a tout gagné mais cette fois-ci, il a manqué de chance, il a notamment heurté un OFNI. Nous avons disputé un très beau match avec lui et on aurait aimé que cela dure plus longtemps mais c’est aussi cela ces courses, il faut aller vite, ne pas casser, avoir un peu de réussite et que la météo vous sourit. Nous avons eu presque tous ces ingrédients. On sait aussi que l’on peut aller encore beaucoup vite et je pense que les prochaines régates seront encore plus passionnantes. »
Yann Riou, mediaman
« C’est absolument magique de naviguer à bord du Maxi Edmond de Rothschild. Les bateaux de courses ont beaucoup évolué sur les dix dernières années et le matériel que l’on utilise pour tourner des images, notamment les drones, ont suivi cette évolution. Nous arrivons à partager des images avec des moyens techniques qui étaient encore inimaginables il y a 10 ou 15 ans. À bord, l’ambiance en général était très bonne, alors, ils ne sont pas toujours d’accord mais c’est aussi ça la vie. Et comme nous nous connaissons très bien, ils ont vraiment très bien joué le jeu avec moi et je les en remercie. »
Marcel van Triest, routeur à terre
« Avec ces bateaux, être à 100 ou 200 milles devant, ce n’est rien. Tu sais que si tu rates un coup ou que tu as un problème technique, les autres sont là, dans ton tableau arrière. Sur la fin de course, quand j’ai vu la porte se refermer derrière nous et que Macif et Actual Leader étaient de l’autre côté de l’anticyclone, j’ai pu me calmer un peu mais sinon tu n’es jamais serein. J’ai été impressionné par la capacité à maintenir des moyennes de vitesse élevées même dans de la mer. Nous avons bien sûr appris beaucoup sur le fait de voler au large. C’est l’état de la mer qui change et si tu arrives à monter au-dessus tout change. En routage, cela devient hyper compliqué et tu te demandes par exemple : est-ce que je fais une route beaucoup plus longue où je peux voler tout le temps où alors je choisis la route la plus directe mais j’arrête de voler pendant six heures ? Avec Franck et Charles, on ne se parle pas de vive voix mais par écrit. On s’envoie des dessins, des captures écran, des photos satellites. Je connais Charles d’avant et, notamment récemment, avec la victoire avec Dongfeng Race Team sur la Volvo Ocean Race. Franck, j’ai travaillé plus de 10 ans avec lui, en routage. Cette complicité de longue date est un avantage. Ce qui a fait la victoire ? C’est tout le projet du Gitana Team, la fiabilité du bateau, le fait qu’il soit compétitif au départ mais surtout durant toute la course. Il y a aussi la chance de ne pas abandonner à cause d’un OFNI et, bien sûr, la capacité des marins à tirer le meilleur de la machine. Après, il faut aller du bon côté et, là, ça s’est aussi bien passé.Le format du double est super pour les marins, plus difficile pour le routeur car il y en a toujours un de réveillé ! Alors, en solitaire, je pourrais plus dormir ! En revanche, en solitaire, il est clair que le stress de la gestion du sommeil et du rythme du bateau vont monter d’un cran. »
Guillaume Verdier, architecte du Maxi Edmond de Rothschild
« Nous avons commencé à imaginer ce bateau en 2015 avec Hervé Penfornis, Véronique Soulé, Romaric Neyousser, Romain Garo et nous avons fini à une quinzaine de personnes pour concevoir cette plateforme avec le Gitana Team.Nous avons été positivement surpris par les capacités du bateau à voler dans les vagues. On peut faire mieux et cela va encore évoluer car c’est encore très améliorable. Ce n’est effectivement que le début. L’équipe du Gitana Team avec Cyril Dardashti, Pierre Tissier, Sébastien Sainson et tout le team derrière, ils ne se sont pas démontés, même après avoir cassé le flotteur sur la Route du Rhum. Ils avaient un peu goûté au potentiel du bateau mais il faut se rendre compte que c’est 170 000 heures de travail pour construire un bateau comme celui-ci donc quand il casse, c’est très difficile. Nous, on est sur notre planche à papier, mais pour ceux qui font que ça se réalise, c’est une autre dimension. »
Ariane de Rothschild, Présidente du Conseil d’administration Edmond de Rothschild Suisse (SA), armatrice du Gitana Team
« Dans le quotidien du métier et auprès des équipes de la banque Edmond de Rothschild, je prends souvent l’exemple de Gitana car nous sommes dans des histoires proches. Au départ, il y a une conviction très forte que le chemin vers les bateaux volants était ouvert mais nous avons voulu franchir un très grand pas et travailler sur un bateau volant transocéanique. C’est vrai qu’il y a une part de prise de risques et on se demande toujours quand on passe de la théorie à la pratique, si les ambitions vont se concrétiser. C’était pour nous aussi important en tant que famille d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la voile. Il y a un peu plus de 140 ans, Julie de Rothschild, une femme, a été la première à tester les records de vitesse à sa façon (à bord d’un bateau à vapeur sur le Lac Léman). Perpétuer cette tradition et à nouveau un peu poussé par une femme, nous intéressait. Et cela nous permet de réaliser désormais des pointes autour des 50 nœuds. Cette victoire aujourd’hui concrétise maintenant ces ambitions au cœur de la compétition. Bravo à Franck, Charles et à toute l’équipe du Gitana Team. L’innovation continuera et nous avons encore de très belles pages à écrire. »
Cyril Dardashti, Directeur Général du Gitana Team
« Le règlement de cette course autorisait les escales techniques, sans pénalité. Au Cap Vert, le bateau touche un OFNI, endommageant l’aile de raie, le plan porteur de la dérive centrale. Cela modifiait le comportement du bateau et dégradait ses performances. A Lorient, nous avons commencé à préparer une escale technique. Salvador de Bahia apparaissait comme la meilleure option. La Transat Jacques Vabre se terminait et nous savions que nous pourrions être aidés sur place, notamment par le port. Nous avons monté une opération commando, ce qui n’est pas simple un 11 novembre ! Nous avons fait le choix de miser sur un avion de ligne et avons mis la pièce de rechange dans une housse de planche de surf. Toute l’équipe technique, menée par Pierre Tissier, a géré cela de main de maître et le bateau est reparti au bout d’une douzaine d’heures. En arrivant sur l’Afrique du Sud, la question de l’escale s’est à nouveau posée. Le bateau avait encore touché quelque chose dans l’eau et les volets de l’aile de raie ont cassé. Nous savions que Sodebo était endommagé mais on n’avait pas d’infos des autres. Nous étions en tête, alors nous avons décidé de continuer. Cette victoire est celle de la maturité de l’équipe qui découvre et défriche ce nouveau mode de navigation chaque jour. C’est vrai, on trébuche, on se relève, on repart, c’est de l’énergie et aussi de la frustration. On sait que nous sommes sur la bonne voie mais la patience et l’envie de bien faire nous permettent d’y arriver. Nous allons continuer, innover encore, travailler pour que ce bateau livre encore plus car on sait qu’il peut le faire. »
La victoire du Maxi Edmond de Rothschild en chiffres
Arrivée : le 04/12/2019 à 09:24:46 UTC
Temps de course : 28j 23h 24min 46s
Distance parcourue et vitesse sur l’orthodromie : 13 752.56 nm / 19.78 nds
Distance parcourue et vitesse sur le fond : 17 083.88 nm / 24.57 nds (124%)
Distance et vitesse max sur 24h : le 18 novembre à 05h30 UTC : 741.02 nm / 30.9 nœuds
Ecart le plus important avec leur poursuivant : le 3 décembre à 19h00 UTC : 1 804.10 nm
Sur 28j 23h 24min 46s de course, le Maxi Edmond de Rothschild a été leader pendant 24 jours et 21 heures, dont les 19 derniers jours, soit 86 % du temps.