Après la vue la semaine dernière, nous poursuivons notre plongée dans la vie à bord de Sébastien Josse au travers de ses cinq sens. Aujourd’hui, nous nous intéressons au toucher.
#2 LE TOUCHER
AVEC SES MAINS
Ce sont les seules parties du corps en contact direct avec le bateau. Les mains sont précieuses et pourtant si fragiles. « À force de toucher les bouts, le sel, l’humidité, les mains s’endurcissent. C’est un environnement hostile et la peau se protège, » explique Sébastien qui n’est adepte ni des gants, qui font perdre en agilité et peuvent se coincer dangereusement, ni de la crème qui retarde finalement un processus naturel. « Les mains calleuses du marin, ce n’est pas une légende ! Et à la moindre crevasse, la moindre microcoupure, tu graisses, tu mets des pansements, des bombes imperméables, tout pour que cela arrête de creuser. Une ouverture d’un millimètre peut finir par te faire un mal de chien pendant des semaines. »
TOUCHER DE BARRE
« C’est fini ça ! » lance-t-il sans détour. « Les bateaux nous sollicitent tellement par ailleurs que tu ne vas pas pomper de l’énergie à barrer. Tu remplaces les sensations à la barre par des choses plus théoriques qui sont les chiffres cibles à atteindre, notamment une vitesse par rapport à une force et un angle de vent. Sur les bateaux à foils, il y a surtout un angle de gîte où ça se met à fonctionner. Il est lié aux appuis que tu as entre le foil, la quille et la carène (forme de coque), alors tu essaies de trouver le meilleur équilibre, non pas à la barre mais aux réglages. La barre ne te sert que à aller droit finalement et tu gères la vitesse avec tout le reste. »
COMPENSER
Le marin qui pilote en sentant d’où vient le vent, c’est du passé. « La casquette te coupe de l’extérieur. On ne sent plus le vent sur le visage, auquel pourtant on se réfère beaucoup quand on barre un bateau classique. Ici, tu te forces à développer d’autres feelings, comme l’équilibre. Tu essaies de t’habituer à l’environnement dans lequel on t’impose d’être qui est une boîte sans vent et qui bouge. Par exemple, tu regardes le sillage qui est plus ou moins tendu et alors tu sais en déduire la vitesse. Quand tu es très chargé en puissance et très gîté, cela fait une grosse vague pas très belle alors que lorsque le bateau est vraiment en train de « foiler », la mer s’aplatit et ça accélère. »
TOUCHER SES LIMITES
Sébastien n’y va pas par quatre chemins. « À bord de ce bateau, tu vis cloîtré, avec des ressources comptées. En mode survie, tu te protèges et t’économises. Quand tu commences à te déplacer à quatre pattes tu as l’impression de retourner à l’état animal. » En effet, la fatigue enveloppe tout. Alors, quand les limites pointent, les sens lancent-ils l’alerte ? « Les yeux qui se ferment, c’est commun. Les muscles ne disent rien non plus. Tu as une tâche à faire alors tu trouves toujours la ressource. Mais le premier signe d’une fatigue extrême, c’est quand tu perds l’équilibre. Quand tu tombes une fois, deux fois, là, il faut être à l’écoute. Tu finis ta manœuvre, tu fais au plus juste pour ne pas abîmer ton matériel, tu vas manger, te coucher et le reste attendra. »
La semaine prochaine, retrouvez # 3 L’OUÏE