Le combat des générations
Dimanche 25 octobre à 13h30, c’est une flotte de vingt monocoques Imoca qui s’élancera du Havre pour disputer la Transat Jacques Vabre. L’édition 2015 de la célèbre transatlantique en double, à destination du Brésil, marque la première confrontation officielle des bateaux de nouvelle et d’ancienne génération, autrement dit ceux équipés de dérives foil contre ceux dotés de dérives droites. Et à un an du Vendée Globe, autant dire que le moment est particulièrement attendu. Mais les interrogations que marins et architectes espèrent en partie lever après cette course, ne peuvent pas se réduire à une question d’appendices. A bord du Mono60 Edmond de Rothschild, Sébastien Josse et Charles Caudrelier nous apportent un éclairage sur ces aspects techniques et passent en revue les forces en présence.
Les foils du Mono60 Edmond de Rothschild en action dans la brise
Une transat en banc d’essai

Elles sont l’une des grandes nouveautés de cette 5e génération de monocoques Imoca. Depuis leur apparition, les dérives foil font couler beaucoup d’encre et déchaînent les passions… Il y a en effet les sympathisants et les opposants à ces nouveaux appendices qui, de par leur forme, font immanquablement penser aux moustaches d’un illustre peintre espagnol. Évolution architecturale incontestable, les dérives foil sont malgré tout un pari audacieux pour ceux qui ont choisi d’en doter leur monture. Sur cette Transat Jacques Vabre, ils sont au nombre de cinq parmi lesquels le Mono60 Edmond de Rothschild.

« L'innovation est dans l'ADN du Gitana Team. Alors quand les architectes nous ont proposé ces nouveaux appendices, il n'était pas envisageable de passer à côté même si à ce stade, il y a encore des incertitudes sur leur efficacité. Ces dérives foil restent expérimentales mais nous sommes partis dans cette voie, conscients de cela. Nous savons que, sur le papier, il y a des gains assez conséquents à certaines allures mais aussi des pertes à d'autres. Schématiquement, le bateau est moins performant aux allures serrées (vent de face, près), mais dès que c'est un peu plus ouvert (reaching, travers, portant) et que le foil entre en action c'est vraiment efficace et le différentiel peut aller jusqu'à 2 nœuds. Les foils font la différence dans un vent medium à soutenu mais peinent plus dans le petit temps. C'est donc une histoire de compromis et nous ne nous interdisons pas de revenir en arrière ou de faire évoluer les formes des dérives selon les résultats de nos navigations » expliquait Sébastien Josse, avant de préciser : « Nos attentes sur cette Jacques Vabre sont d’enfin essayer le bateau dans les conditions pour lesquelles il a été conçu, c’est à dire le large ! L’enjeu technique est bien de valider - ou pas - le concept des foils par rapport aux bateaux les plus performants de l’ancienne génération, qui sont eux dotés de dérives droites. »

Une nouvelle jauge qui redistribue les cartes

À l’issue du dernier Vendée Globe (2011-2012), l’Imoca a fait évoluer les règles de jauge qui régissent la classe. En résumé, le nouveau cadre proposé laissait de la liberté architecturale sur la plateforme, mais imposait aux nouveaux bateaux une quille et un mât standardisés, c’est à dire monotypes et donc identiques pour tous. La casse et la sécurité étaient avancées pour expliquer ces choix. Mais ces nouvelles règles changent la donne comme nous l’expliquait le skipper d’Edmond de Rothschild : « Je pense qu’au sein de la classe Imoca nous sommes dans une période de transition et c’est cela qui rend la Transat Jacques Vabre 2015 particulière. Il y a clairement deux flottes au sein des vingt bateaux engagés. En effet, nous sommes cinq bateaux à courir avec les nouvelles règles de jauge et les quinze autres courent avec les anciennes. Le souhait de figer la quille et le mât était pour limiter la casse et amener ainsi plus de sécurité dans la classe mais sous couvert de cet aspect sécuritaire, la commission de jauge a également limité la puissance des bateaux du fait de l’espar monotype. En clair, cela restreint l’évolution des nouveaux bateaux. Lors des différentes navigations que nous avons pu faire depuis la mise à l’eau du Mono60 Edmond de Rothschild, nous avons pu constater que cette nouvelle jauge était un handicap par rapport aux anciens bateaux mais les nouvelles dérives avec leur plan porteur nous permettent de compenser cela à certaines allures. Il nous manque encore quelques clés pour optimiser les réglages. La Transat Jacques Vabre tombe parfaitement bien. Les enseignements pris sur cette épreuve seront très importants et nous permettront de déterminer nos orientations en préparation du Vendée Globe.»

Au jeu des pronostics

Si les appendices des nouveaux bateaux sont un sujet passionnant qui agite la planète du monocoque depuis quelques mois, ils sont loin d’être le seul point clé pour espérer succéder à Vincent Riou au palmarès de l’épreuve. En premier lieu, il ne faut pas perdre de vue que la voile est un sport mécanique et que pour bien figurer il faut tout d’abord finir la course. Dans les conditions météos annoncées pour les premiers jours de course, la gestion du matériel sera ainsi très importante. Enfin, l’alchimie du duo reste un aspect primordial de la performance. « Nous sommes à des périodes bien différentes de préparation. Des bateaux comme PRB ou SMA sont des bateaux aboutis et rapides à toutes les allures ; ce sont clairement les bateaux à battre. Un marin comme Vincent Riou connaît son bateau sur le bout des doigts et saura l’exploiter à 100 % de ses capacités quand nous serons à 80 % avec Sébastien. Mais après seulement deux mois de mise au point c’est normal ! Il ne faut pas oublier que l’objectif du Gitana Team est bien d’être fin prêt le 6 novembre 2016 pour le départ du Vendée Globe. Ce qui ne signifie pas que nous sommes là pour faire de la figuration. Nous avons à cœur de défendre nos chances et de démontrer le potentiel du nouveau Gitana. La complicité et la complémentarité de notre duo seront des atouts. Côté nouveaux, Banque Populaire nous paraît le plus prêt et l’équipage est aussi bien assorti qu’affûté. Il faudra bien sûr les avoir à l'œil. » concluait Charles Caudrelier.

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