Un Atlantique pas très pacifique
Sous la lumière pâle des terres australes, Charles Caudrelier savourait, il y a deux jours, son premier cap Horn en solitaire. Devant les étraves du Maxi Edmond de Rothschild, il reste encore 6 000 milles pour transformer la magie de ce moment en accomplissement sur la ligne d’arrivée. En attendant, du côté des Falkland, l’Atlantique Sud vient de lui opposer une nouvelle épreuve.
Où l’on célèbre les grandes premières

C’est un rocher confetti posé à l’extrême sud de la Terre de Feu, dans ce couloir étroit qui sépare le Chili de la péninsule Antarctique. Mardi 6 février à 18 h 08 min et 20 sec (heure de Paris), le Maxi Edmond de Rothschild a doublé le cap Horn après 30 jours, 4 heures, 38 minutes et 20 secondes de course, dont les deux tiers passés en tête.

En entrant dans l’océan Atlantique en tête de l’Arkea Ultim Challenge, Charles Caudrelier a réussi plus d’une prouesse. Il s’est offert son premier cap Horn en solitaire, et l’a offert à son bateau, rendant ainsi hommage à l’esprit visionnaire du Gitana Team et de ses armateurs, Ariane et Benjamin de Rothschild. Il a aussi donné la preuve qu’un trimaran volant de cette génération pouvait faire le tour de l’Antarctique.

Si ce cap est légendaire c’est parce qu’il représente, pour Charles et tous ses prédécesseurs, un épilogue bienvenu : la sortie des mers du Sud, de ses étendues grises à perte de vue, et la fin d’un sentiment de vulnérabilité.

Le troisième et dernier grand cap des tours du monde à la voile est aussi le plus mythique de tous, parce qu’il fleure bon l’histoire des grands navigateurs des 16e et 17e siècles, lorsqu’espagnols, portugais, puis hollandais, britanniques et français dominaient les mers du globe.

Ici, pourtant, pas de route maritime à ouvrir, pas de guerre stratégique ou économique à mener, juste du sport, de la technologie, de l’intelligence humaine, et du dépassement de soi. Pour le skipper du Maxi Edmond de Rothschild, ce passage « historique et magique » restera comme un des grands jalons de sa vie d’homme et de marin.

Pacification

Tout n’a pas été aussi simple pour en arriver là, quand le 1er février à 20 heures TU, après avoir aligné quatre journées à 30-33 nœuds de moyenne dans le Pacifique, Charles Caudrelier est obligé de ralentir pour éviter de plonger dans la gueule d’un système dépressionnaire explosif. Pendant plus de 48 heures, le trimaran bleu n'excédera quasiment jamais les 10 nœuds. Un moment de course au large inédit, étrange et saugrenu pour son skipper qui « n’avait jamais fait ça avant », mais qui profite de cette parenthèse calme pour passer le bateau au peigne fin.

Le 4 février, lorsqu’il remet enfin du charbon, le marin est reposé et détendu… D’autant qu’il n’a quasiment rien perdu de l’écart qui le séparait de ses poursuivants avant sa pause forcée. Deux jours plus tard, le cap Horn le gratifiera d’une embellie avec un magnifique passage à deux milles du rocher, sous grand-voile haute et J2. 

Retour en terrain connu mais légèrement miné

Charles Caudrelier progresse désormais dans le sas de décompression de l’Atlantique Sud. Là où le retour à la civilisation et le sentiment de soulagement se heurtent souvent à la réalité des premières journées de navigation dans cette région : pas facile…

Au près, dans du vent forcissant, le Maxi Edmond de Rothschild a d’abord été contraint de de s’engouffrer dans le détroit de Le Maire pour se protéger des glaces repérées au nord-est de l’île des Etats. La présence d’icebergs dans les parages, ajoutée à l’arrivée d’une grosse dépression australe ont d‘ailleurs conditionné sa stratégie pour la suite de la remontée de l’Atlantique.

« Mercredi après-midi (7 février), on a ralenti le bateau pendant 6 heures pour laisser passer le plus fort de la traîne de la dépression. Ensuite, il a fallu choisir entre la peste et le choléra », raconte Benjamin Schwartz, membre de l’équipe routage du Gitana Team. « Passer à l’Est des Malouines, une route stratégiquement favorable, mais potentiellement minée par les glaces, ou rester à l’intérieur et se retrouver au milieu d’une myriade de pêcheurs ». L’option n°2 a été retenue, mais Charles a passé « une nuit très très pénible, dans du vent fort, une mer exécrable, avec l’obligation de rester en veille visuelle pour contrôler la présence des bateaux de pêche ».

Il reste un peu plus de 6 000 milles à courir avant d’entrevoir la ligne d’arrivée de la première course autour du monde en solitaire en ULTIM. Une course que Charles Caudrelier mène depuis 22 jours et qu’il a bien l’intention de remporter.

>> Retour sur le passage du cap Horn en images
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