Problème de barre sur un départ animé
Les dernières confrontations, que ce soit en course sur les 24h Ultim ou en navigation d’entraînement au large de Lorient, laissaient présager d’une bataille à couteaux tirés au sein de la flotte des géants. La promesse est tenue en ce début de course dont les premières heures, tout comme les images capturées hier en Baie de Seine, resteront très probablement dans les annales de la Route du Café.
Dans la matinée, Erwan Israël envoyait quelques mots à son équipe à terre. Récit précis mais rapide d’un marin bien occupé à la manœuvre dans le cockpit du Maxi Edmond de Rothschild : « Premières heures de course un peu compliquées à bord de Gitana 17. Nous avons eu des soucis de barre sur la phase de départ, ce qui explique nos deux abattées un peu folles sur les premiers milles en Baie de Seine et notre mise en route en demi-teinte. Mais ça s’est réglé, le bateau était à l’aise dans le reaching de début et nous sommes remontés dans le trio de tête dès le passage de la pointe du Cotentin. C’était très instable comme prévu avec des gros grains – on a eu jusqu’à 50 nœuds au passage de Cherbourg. Nous étions 2 ris J3 ce qui était la bonne toile pour aborder ce début de course » précisait le co-skipper de Gitana 17 avant de poursuivre le déroulé de leur soirée : « Après, nous sommes allés jouer dans les îles anglo-normandes et nous nous en sommes assez bien tirés ce qui nous a permis de prendre la tête de la flotte dans la soirée pour aborder le contournement de la pointe Bretagne. Nous avons choisi de privilégier l’intérieur du DST de Ouessant comme Banque Populaire et Sodebo, pour des questions de stratégie météo, tandis que SVR est passé lui à l’extérieur. Nous avons viré ce matin pour désormais un long tribord amure vers le Sud et notre nouvelle marque de parcours au niveau de Madère.»
En effet, alors que São Pedro e São Paulo, petites îles brésiliennes de l’Atlantique Nord situées à environ 1 000 km dans le Nord-Est de Natal, devaient être la première marque de parcours des ULTIM dans leur descente de l’Atlantique, un avenant a été publié par la Direction de course. Ce dernier indiquant l’ajout d’une nouvelle marque au niveau de l’archipel de Madère et plus précisément Porto Santo, son île la plus septentrionale, que les géants de 32 mètres devront laisser à tribord.
Avantage à l’Ouest
Au pointage de 17h, le duo du Maxi Edmond de Rothschild accusait un retard de 33 milles sur les hommes de SVR-Lazartigue, plus décalés dans l’Ouest et actuellement aux commandes de la flotte, et d’une dizaine de milles sur Banque Populaire, quant à lui dans l’Est plus proche de l’orthodromie. Des écarts relativement faibles à l’échelle des performances des ULTIM mais aussi compte tenu de la situation météo à venir, avec une dorsale anticyclonique qui barre la route des ouvreurs à la latitude de Gibraltar. « Nous avons été un peu trop impatients ce matin et idéalement nous aurions dû attendre quelques milles encore avant notre virement vers le Sud. Nous nous sommes retrouvés coincés quelques heures entre l’ancien et le nouveau vent qui tardait à nous rejoindre. Le tout dans une ambiance très instable avec de nombreux passages de grains. D’un nuage à l’autre, les variations d’intensité de vent étaient très importantes », nous confiait la cellule météo à terre du Maxi Edmond de Rothschild composée pour cette Transat de Erwan Tabarly et Simon Fisher.
Pris en tenaille une partie de la matinée dans cette zone de tampon avec des vitesses dépassant péniblement les 10 nœuds, tandis que plus à l’Ouest, François Gabart et Tom Laperche filaient à plus de 30 nœuds, les marins de Gitana Team ont logiquement vu les milles défilés : « Ce n’est pas très agréable de voir son concurrent 20 nœuds plus rapide, en attendant le bon flux mais vu la zone de vent faible qui s’étale devant nos étraves dès demain… on relativise ! Nous serons tous ensemble très vite » glissait Charles Caudrelier.
Départs décalés pour les quatre classes
95 duos sont engagés dans la Transat Jacques Vabre – Normandie Le Havre 2023 mais les organisateurs de la 16e édition ont dû se résoudre à scinder les quatre flottes pour s’adapter aux conditions météos particulièrement musclées en cette fin octobre. Ainsi, ce sont 55 bateaux de trois classes (ULTIM, Class40 et Ocean Fifty) qui se sont élancés hier du Havre, les IMOCA ayant été contraints de rester à quai pour le moment. Mais seuls les ULTIM, grâce à leur potentiel de vitesse qui leur permet de gagner plus rapidement des latitudes Sud et d’éviter ainsi les dépressions en question, pourront réaliser leur parcours de 7 500 milles sans escale. La Flotte des Ocean Fifty a rallié Lorient dès aujourd’hui et celle des Class40 est attendue dans les prochaines heures. C’est dans le port d’attache du Maxi Edmond de Rothschild que la cinquantaine de bateaux patientera pour laisser passer le très mauvais temps attendu dès mercredi soir sur les côtes atlantiques françaises et la nouvelle dégradation annoncée pour le week-end prochain.