Relativités

Au-delà de raccourcir les temps de parcours et de battre des records, la vitesse permet de jouer avec les éléments et non de les subir. Contourner l'anticyclone, éviter une zone de calme ou fuir une dépression sont des notions réservées aux quelques géants des mers dont Gitana 13 fait partie. Dans sa partie nord, l'Océan Indien nous offre un alizé d'Est -Sud Est bien établi, qui nous permet de maintenir des moyennes élevées dans des conditions agréables. Avec  1 300 milles (environ 2 400 km) parcourus en 48 heures, et une capacité à en faire au moins 1 500 les trois prochains jours, les contours du terrain de jeu sont, d'une certaine façon, plus proches. L'ile Maurice est à côté, les côtes africaines ne sont pas très loin et le cap de Bonne Espérance est déjà en ligne de mire.

Au fur et à mesure que l'océan révèle son jeu et que les hypothèses se précisent, nous affinons notre route. La page blanche posée devant nous à l'entrée de l'Indien se noircit, jour après jour, d'une stratégie en cours et de chemins probables. Risquons donc une ébauche de programme : encore trois jours de glisse sur les contours de l'anticyclone indien, suivis d'une période de transition vers les côtes africaines avec du vent de Sud-Ouest tournant Nord. Et pour finir, un bon baston d'Ouest pour enrouler Bonne Espérance. Peut-être naviguerons-nous le 31 août dans l'Atlantique, cet océan que nous avons quitté fin janvier en doublant le cap Horn.

Ce déplacement rapide de notre « maison » perturbe directement  la vie de l'équipage. 2 500 km gagnés dans l'ouest signifie presque deux heures de décalage horaire en deux jours ! Nous allons d'ailleurs changer d'heure demain en passant de TU +8, heure de Hong-Kong, en TU+ 5. Les milles gagnés vers le sud raccourcissent  la durée du jour (nous sommes côté hiver) et refroidissent l'eau qui a déjà chuté de 12° C depuis Hong Kong et de 7° C depuis Java. Les embruns sont moins agréables et les douches plus saisissantes.

Dans les coursives, dormir n'est plus un supplice et on s'enveloppe volontiers dans son drap. Les gars ont sorti les sous-vêtements techniques et les premières polaires fines s'enfilent la nuit sous le ciré. Au changement  de quart, les échanges sont drôles : « tu mets quoi, toi ? » ou encore « avec le short, ça le fait encore, mais tout juste» : il faut s'adapter et vite. C'est la particularité des voyages nord-sud ou sud -nord; on change de saison constamment, parfois en 24 heures. Anticiper et s'adapter restent les deux règles d'or du marin.

Dominic Vittet, au milieu de l'Océan Indien

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