40 ans d’aventures et d’histoires maritimes hors normes
Créée en 1978 par Michel Etevenon, la Route du Rhum est la course en solitaire par excellence, celle qui a fait naître des passions, révélé des talents et écrit parmi les plus belles pages de la course au large française. Le Gitana Team a déjà inscrit son nom au palmarès de cette mythique transatlantique entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre, c'était en 2006 avec Gitana 11. Cette année, l'écurie fondée par Ariane et Benjamin de Rothschild sera encore au départ ! Sébastien Josse s'élancera dans un peu plus d'une semaine à la barre du Maxi Edmond de Rothschild, le premier multicoque de course au large conçu pour voler en haute mer.
1978, première ! 

La photo à peine nette d’un petit trimaran jaune de 12 mètres en bois moulé doublant, dans un nuage d’embruns, un long monocoque bleu de 20 mètres, symbolise à elle seule la première Route du Rhum. Cette « carte postale » indélébile, à laquelle s’ajoute l’infime écart de 98 secondes après 23 jours de mer entre les deux premiers, inscrit définitivement la course dans la légende ce 28 novembre 1978. Depuis 40 ans, le « Rhum » n’est pas seulement histoire d’hommes et de femmes, une aventure solitaire partant dans les frimas de l’automne pour arriver sous le soleil des Antilles, mais c’est aussi un formidable laboratoire technologique. En remportant cette première édition endeuillée par la tragique disparition d’Alain Colas, Mike Birch révèle tout bonnement la suprématie du multicoque. 

L’école française 

Le Canadien, ancien cow-boy et convoyeur de yachts, dont Kersauson dit « qu’il parle aux poissons volants », a ouvert la voie. Il fait des émules parmi les jeunes architectes et marins français immédiatement séduits par le concept du multicoque. Cette jeune génération n’aura de cesse de phosphorer et d’innover durant plusieurs décennies, puis va systématiquement s’imposer dans les neuf éditions suivantes. Cette cogitation donne parfois naissance à des engins un peu délirants, à l’image du prao révolutionnaire de Guy Delage, qui se désintègre sur la ligne de départ. Marc Pajot remporte la deuxième édition sur un grand catamaran en aluminium muni du premier mât-aile en carbone. Pour l’anecdote, l’espar pivotant, construit en deux parties et cuit de manière artisanale, a nécessité la pose de 5000 rivets. Selon leurs calculs, les ingénieurs de Dassault ont évalué le gain de performance à 20%. En 1986, Loïc Caradec, ingénieur de formation, enfonce le clou avec un monstrueux catamaran doté d’un gigantesque mât conçu par l’avionneur Hurel-Dubois. Il a rencontré des ingénieurs de Citroën afin d’imaginer un système pour régler les foils grâce à des vérins oléopneumatiques issus de la fameuse suspension de la DS. Philippe Poupon préfère la voix de la sagesse. Son trimaran à « taille humaine » a été spécialement conçu pour le solitaire. Mais le Breton qui a fait ses classes avec Tabarly sait avant les autres que le Rhum se gagne désormais aussi à la table à cartes. Expert en météo, pilote d’avion à ses heures, il embarque un ordinateur et le premier logiciel de routage. Quand ses adversaires filent plein Sud chercher les alizés recommandés par les pilot charts, lui attaque les dépressions par la « face Nord » sur une route plus courte proche de l’orthodromie. Cette victoire de la science est malheureusement ternie par la disparition de Caradec. Son bateau a été retrouvé à l’envers dans la terrible tempête qui a sévi au large de l’Espagne. En 1990, dans un souci d’internationalisation des Transats, il a été décidé de limiter la taille des multicoques à 60 pieds (18,28 mètres). Outre l’avènement du GPS qui équipe tous les concurrents, le débat est définitivement tranché et le trimaran a supplanté le catamaran. L’on compte une bonne douzaine de favoris, tous sur des multicoques aussi affûtés que volages. Parmi eux, une femme : Florence Arthaud. Pour sa quatrième Route du Rhum consécutive, privée de toute communication, la navigatrice effectue une course phénoménale, signe un exploit retentissant, pulvérise le record de la traversée en 14 jours et 10 heures, et entre dans l’histoire.

L’effet Bourgnon

Brillant troisième quatre ans auparavant, un jeune Franco-Suisse nommé Laurent Bourgnon est à nouveau au départ en 1994. Derrière cet athlète décontracté à la chevelure d’ange blond se cache un sacré marin, un perfectionniste né, un technicien hors pair qui dépouille son trimaran avec une obsession : la chasse drastique aux grammes superflus. À son arrivée victorieuse et « frais comme un gardon » il fait le show, marchant sur les mains sur son flotteur et effectuant des tractions à l’avant de son trimaran. Marqués par ce talent précoce et cette apparente facilité, de jeunes marins tels Sébastien Josse, Franck Cammas ou Thomas Coville vont s’en inspirer avec brio. Car quatre ans plus tard, Bourgnon récidive, devenant le premier marin à effectuer le doublé. Il a encore optimisé son bateau de dix ans d’âge, fait un séjour aux États-Unis pour sélectionner ses voiles en 3DL issues de celles de la Coupe de l’America, mis en place une cellule de routage météo digne d’un commando. « L’Ovni » se retire, mais a marqué le Rhum et suscité des vocations. En 2002, une tempête apocalyptique génère un vrai carnage. Ils ne sont que trois trimarans sur dix-huit à atteindre Pointe-à-Pitre. Michel Desjoyeaux, surnommé « le professeur », a été le plus malin, continuant à étoffer son extraordinaire palmarès en solitaire.

Lemonchois et Gitana font voler le record en éclats

Quatre années plus tard, la classe des trimarans Orma s’est remise en question. L’ACS (système anti-chavirage) est devenu obligatoire. Une fois n’est pas coutume, la météo s’annonce relativement clémente, de quoi mettre les skippers en confiance au départ de Saint-Malo. Parmi eux, Lionel Lemonchois sur Gitana 11, l’un des bateaux armés par l’écurie d’Ariane et de Benjamin de Rothschild. Le marin ne porte pas sur ses épaules la pression des favoris. Au début de l’année 2006, il n’est en effet pas le skipper attitré de ce trimaran, dont la barre lui sera confiée seulement quelques mois avant le départ du Rhum. Mais grâce à la conviction d’armateurs passionnés, du travail du Gitana Team qui a minutieusement préparé sa monture, le Normand s’aligne avec une incroyable envie de saisir la chance qui se présente à lui et tout simplement de gagner ! Il connaît ses adversaires sur le bout des doigts. Et pour cause. Surnommé « Le bon choix », il a couru avec tous les favoris. Imprimant un rythme effarant, en pleine confiance, il se hisse très vite en tête, laissant loin derrière ses plus coriaces concurrents. « C’est assez déconcertant » lance perplexe Bidégorry. « Lui, il ose » ajoute Gautier. « Je ne peux pas le suivre, ce ne serait pas raisonnable » conclut Desjoyeaux. Sur les 3798 milles du parcours, Lionel Lemonchois n’a fait qu’un virement de bord et trois empannages, du jamais vu en sept éditions ! Grâce à une trajectoire aussi pure que tendue et à un pilotage défrayant la chronique, il pulvérise le record de Bourgnon en 7 jours et 17 heures, écrivant ainsi l’une des plus belles pages de la saga Gitana. 

Cammas le précurseur

Paradoxalement, 2010 sonne le glas des 60 pieds Orma. Le règlement permet à nouveau une liberté totale sans limitation de taille. Franck Cammas, nouveau détenteur du Trophée Jules Verne en équipage en 48 jours, est au départ sur ce même trimaran, adapté au solitaire mais initialement conçu pour dix gaillards. Par son intelligence, sa capacité d’innovation et son goût inné de la performance, Cammas prouve qu’un homme seul peut mener à la victoire un trimaran de 31,50 mètres de long, pesant 15 tonnes et nécessitant plus de 670 mètres carrés de toile au portant. Son exploit va tout simplement être à l’origine de la classe Ultime quelques années plus tard.

 

Entre temps, pour sa septième participation, Loïck Peyron, invité de dernière minute suite à la défection d’Armel Le Cléac’h, s’inscrit un peu plus dans la légende de la course au large. Il remporte cette 10e édition à la barre de ce même trimaran. 

Cette mémorable victoire a eu tendance à occulter la performance de Sébastien Josse qui,sur le Multi70 Edmond de Rothschild – un trimaran monotype de 24 mètres aussi véloce que périlleux –, s’est offert une remarquable troisième place, moins d’un jour derrière Peyron. Le skipper du Gitana Team signait là sa toute première transatlantique en solitaire sur un multicoque... de quoi laisser rêveur pour l’avenir !

40 ans, 10 éditions, 9 vainqueurs

1978, 1ère édition Olympus surclasse Kriter, l’avènement du multicoque
1982, 2e édition, Pajot s’offre le large avant de basculer vers l’America’s Cup
1986, 3e édition, la méthode Poupon
1990, 4e édition Pierre 1er et la fiancée de l’Atlantique
1994, 5e édition l’ange blond règne sur le Rhum
1998, 6e édition Intouchable Bourgnon pour un doublé
2002, 7e édition annus horribilis 18 trimarans au départ, 3 à l’arrivée
2006, 8e édition Lemonchois, « Ce n’est pas la Route du Rhum mais l’autoroute du Rhum »
2010, 9e édition le no limit est de retour
2014, 10e édition Peyron fait de la résistance

ROUTE DU RHUM DESTINATION GUADELOUPE

Saint-Malo / Pointe-à-Pitre
3542 milles sur l’orthodromie (route directe)
40 ans, 11e édition 
Tous les 4 ans depuis 1978
123 inscrits, 6 classes de bateaux, un record absolu ! 
Temps à battre :7 jours 15 heures 8 minutes 32 secondes
6 trimarans dans la classe Ultime, dont 5 amarrés à l’extérieur des bassins malouins

 

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