Le Vendée Globe, une régate planétaire
Lors des premiers Vendée Globe dans les années 90, la longueur du temps passé seul en mer et l’isolement dû au manque de moyens de communication qui raréfiait, par là même, les informations météo, étaient les points durs de l’épreuve. En 2016, pour cette 8e édition, les marins sont toujours face à eux-mêmes et sur le même parcours mais, au fil du temps, plusieurs révolutions architecturales ont modifié le visage du Vendée Globe. La vitesse des bateaux a doublé à certaines allures et le temps a été réduit d’environ 30% en moins de trente ans. Les performances se révèlent aussi de plus en plus homogènes, notamment en avant de la flotte. Le voyage initiatique a ainsi mué en une régate marathon au contact où l’intensité physique et sportive a pris place au cœur des débats. Ce qui n’est pas pour déplaire à Sébastien Josse.

Peu de temps avant de quitter sa Bretagne d’adoption pour s’élancer sur son troisième Vendée Globe, le marin s’est confié sur cette intensité du jeu qui ne les lâche jamais. « Le contact est important sur le Vendée Globe parce qu’on ne voit pas le temps passer, » lance-t-il. « Si c’était faire le tour du monde pour faire le tour du monde, je préfèrerais alors la croisière en famille. En 2004, je partais pour la première fois, le voyage avait toute son importance. Aujourd’hui, je recherche la symbiose sportive avec mon bateau. J’aime la compétition et sentir que je maîtrise mon sujet. Réussir un enchaînement de manœuvres, bien les réaliser et voir le résultat sur la course est une motivation hors normes. Quand, en revanche, des grains de sable s’invitent et que les choses ne se passent pas comme on voulait, c’est moins plaisant mais c’est là qu’il faut remettre du charbon pour revenir au contact. »

Des bateaux de forçats

Un total de 1 460 m2 de toile a pris place à bord du Mono60 Edmond de Rothschild. Si les progrès des matériaux utilisés ont réduit le poids des voiles, leur nombre est toujours important (9 voiles autorisées au maximum) et les combinaisons possibles très nombreuses. Les réglages sont permanents et les manœuvres ponctuent les journées comme les nuits. Virer ou empanner peut demander, par exemple, de 35 à 40 minutes d’efforts et s’accompagne d’un déménagement complet de l’intérieur du bateau avec pas moins de 250 kilos à déplacer d’un bord sur l’autre. Et changer une voile d’avant signifie faire plusieurs aller-retours entre l’étrave et le cockpit, avant de souffrir de longues minutes à la colonne de winch. 

« Il faut la forme physique pour être capables d’enchaîner car, si les conditions deviennent instables, il faut rester à 100%. Quand tu n’es pas très aguerri ou affûté, tu peux faire l’impasse sur une ou deux manœuvres en te disant que les conditions oscillent que cela ne vaut pas le coup parce que le vent va revenir. Mais aujourd’hui, on ne peut pas se le permettre. S’il faut passer du grand spi à une voile très petite parce qu’il y a un grain qui est venu perturber le flux général, il faut le faire, » explique celui qui mène actuellement Gitana 16 dans l’alizé de Nord-Est en approche des Canaries. Alors qu’ils attaquent une portion rapide du parcours, les sept premiers bateaux de la flotte se tiennent en seulement 55 milles après 1 500 milles de course 

Gérer l’effort

Dans l’univers du sport qu’il soit mécanique ou outdoor, il n’existe rien de comparable. De par l’environnement du marin, avec le manque de sommeil, un rythme qui se cale sur celui de la météo et cette course qui s’étend sur plus de dix semaines. Même dans un seul cycle de 24 heures, les sollicitations physiques sont discontinues, avec des périodes de récupération aléatoires. La sollicitation intellectuelle reste, elle, permanente, sur l’anticipation météo et sur la stratégie à court, moyen ou long terme. Et naturellement, l’esprit est aspiré par la marche du bateau, avec des dizaines de paramètres à prendre en compte. En somme, l’intensité est partout et les muscles sont finalement utilisés comme l’un des maillons de la chaîne. « Quand il faut manœuvrer, que tu as réfléchi et attendu le bon moment, c’est maintenant ! Il faut bien comprendre que toutes les manœuvres se font à froid. On ne s’échauffe pas et l’effort est complètement fractionné. Un changement de voile d’avant, c’est un footing, puis tu te mets sur la colonne, le palpitant monte à fond, tu reprends ton souffle puis tu repars et ainsi de suite. Et une fois que tu as terminé, il faut parfois tout recommencer, car le vent a changé. »

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