Nord, Sud : par quelle face gravir l’Atlantique?
La question reste encore entière à 24 heures du départ de The Transat bakerly. Si la situation météorologique semblait assez claire ces jours-ci, les dernières prévisions, analysées ce matin, compliquent la donne. La flotte s’élance demain lundi, à 14h30 locale (15h30, heure française) afin de rallier le très anglais port de Plymouth aux buildings de Manhattan. Et lorsqu’ils évoquent ce parcours, même au mois de mai, les solitaires parlent de violentes dépressions, d’une mer mauvaise et d’icebergs en approche des bancs de Terre-Neuve. Alors les choix stratégiques à effectuer ont toute leur importance. Sébastien Josse, skipper du Mono60 Edmond de Rothschild, peut compter sur des experts de premier rang au sein du Gitana Team. À l’image de Charles Caudrelier, marin et régatier d’expérience tant en équipage qu’en solitaire, avec lequel Sébastien a remporté notamment la Transat Jacques Vabre en 2013 à bord du Multi70 de l’écurie armée par le Baron Benjamin de Rothschild. Membre de la cellule performance de l’équipe aux cinq flèches, Charles analyse pour nous depuis Plymouth la situation à 24 heures du coup d’envoi, tandis que le skipper nous parle de la concurrence.

A la différence d’une fin de parcours classique dans les alizés, sur la traversée de 3 000 milles entre Plymouth et New York, la météo reste très piégeuse jusqu’au bout avec de nombreux aléas le long des côtes américaines, ce que cherchent à anticiper au mieux les stratèges. « Depuis quelques jours, les modèles météo en Atlantique Nord semblaient privilégier une route Sud mais ce matin, la situation a changé. Il y a désormais plusieurs routes possibles, dont une plutôt brutale, au Nord, » résume Charles Caudrelier. « La zone d’exclusion très étendue, décidée par l’organisation de course pour éviter les icebergs à Terre-Neuve, influence forcément la stratégie car il va falloir passer dessous alors qu’elle descend déjà très au Sud. Aujourd’hui, sur la traversée, il y a deux dépressions majeures à négocier. La première pour mardi et mercredi, active et ventée avec 40 nœuds annoncés, puis une seconde que l’on peut négocier par le Nord, mais avec le risque de se faire coincer au centre, justement pour aller contourner la zone d’exclusion. Il faut donc choisir entre aller chercher du vent fort au Nord dans des conditions vraiment difficiles ou tenter le Sud avec une route complexe à réaliser en solitaire. Il y a aussi aujourd’hui une option intermédiaire qui se dessine mais qu’en sera-t-il demain ? Nous en saurons plus ce soir, puis ce sera à Sébastien de trancher. »   

Dès les premières heures de course

En raison des marées, les monocoques sortiront du port la nuit prochaine, entre 1h30 et 2h locale pour Edmond de Rothschild. Charles sera à la manœuvre avec David Boileau et Pierre Tissier, deux piliers de l’équipe technique du Gitana Team, tandis que le skipper engrangera de précieuses heures de sommeil et rejoindra le bateau dans la matinée. La météo donnera tout de suite le ton avec un passage de front attendu autour de l’heure du départ. Le flux de Sud-Ouest d’une vingtaine de nœuds, va basculer au Nord-Ouest et faiblir… « Il faudra tirer les bons bords pour négocier la bascule, puis il y aura une dorsale anticyclonique à franchir, » poursuit Charles. « Actuellement, les coefficients de marée sont faibles donc il y a peu de courant. Mais on verra si les marins décident d’aller jouer ou pas avec les pointes en Cornouaille. Dès les premières heures de course, on peut s’attendre à un effet de flotte. Chacun va s’observer et on verra vite des options se dessiner. »

Le choc des générations

Sébastien Josse prend pour la troisième fois le départ la Transat Anglaise. À chaque fois, le marin s’y est engagé dans la classe des monocoques IMOCA et à quelques mois de l’échéance du Vendée Globe (départ le 6 novembre 2016, ndlr), ce qui ajoute naturellement un enjeu supplémentaire. Terminer sans casser pour entériner aussi bien les pistes architecturales que les choix techniques et se jauger face à la concurrence, les attentes sont nombreuses pour cette course.

« Petit plateau, gros niveau mais que de la qualité ! » s’amuse Sébastien pour décrire les engagés de la classe IMOCA. Six monocoques de 60 pieds, avec un équilibre parfait entre bateaux à dérives droites - dits d’anciennes générations - et ceux à dérives foils qui représentent la relève de la classe et incontestablement son avenir. Mais pour l’heure, compte tenu de la jeunesse de la « nouvelle vague » et de la fiabilisation que réclament de telles unités, le match est encore très ouvert et l’avantage demeure du côté des « aînés » qui profitent des milles accumulés. « Il y a les bateaux référence de la classe pour ce qui est de l’ancienne génération, avec PRB et SMA (ex-MACIF). Dans ce duo, Vincent Riou a forcément l’avantage non seulement puisque son bateau est beaucoup plus fiabilisé et éprouvé avec huit ans de mise au point derrière lui mais également par l’expérience du marin. D’autant que Paul Meilhat ne se cache pas d’être ici plus avec des objectifs de qualification pour le Vendée Globe. Donc le vrai client aujourd’hui c’est Vincent ! »

« Après, de l’autre côté, il y a les foilers et là tout est possible ! Banque Populaire a démontré de belles aptitudes en finissant 2e de la Transat Jacques Vabre l’an dernier et Armel est un très bon marin. Avec St-Michel Virbac nous sommes sisterships, avec une carène identique mais pas la même génération de foils. Cela sera très intéressant comme confrontation. La mise au point fait partie du jeu et nous avons beaucoup d’attente concernant les performances de nos bateaux - ce n’est que leur deuxième course - leur polyvalence et bien sûr leur fiabilité. L’objectif premier de cette transat est bien de venir tester tout cela avec la pression associée à la course et face au bateau référence du moment qui est PRB. »

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